I don't see you as a dead girl

Tibi Lubin

par Jérôme Florio le 17/10/2004

Note: 6.0    

Tibi Lubin : un nom bien emberlificoté pour une pop faite dans la spontanéité, qui compose avec le peu de moyens dont elle dispose au moment présent. Intrigué, on découvre que Lubin était un acteur tchèque du temps du cinéma muet. Ca ne fait pas beaucoup avancer le schmilblick, et le visuel non plus : trois photos de femmes - une asiatique dans une rizière, une scientifique qui tripatouille une structure moléculaire, une ballerine - chacune symbolisant sans doute chaque membre de ce trio féminin emmené par Katie Stewart (guitare et chant). Des trompe-l'oeil, des masques pratiques pour dissimuler des histoires effroyablement banales ?

Esprit punk "do it yourself", paupérisme et technique rudimentaire font bon ménage : boîte à rythmes basique, basse têtue, guitare raide, quelques claviers sortis de la forêt noire de Cure sur "Oh Botticelli" (plus un tambourin et une basse entêtants). Du papier glacé années 80, punaisé sur un mur de briques grises. Katie Stewart se permet de toiser ses contemporains et d'en livrer des portraits persifleurs sur un ton pince sans-rire, débitant d'un ton monocorde une vision de la vie assez narcotique, engourdie. "Assasination no. 96" se moque des rebelles à deux balles, "Clay to fire" des artistes tellement débordés, sûrs de leur importance. Des observations ancrées dans la working-class anglaise qui peuvent rappeler l'écriture d'un Jarvis Cocker (Pulp) plus le minimalisme des Young Marble Giants (le fait qu'une femme chante n'est pas étranger au rapprochement). A la fois prolo et sensuelle, Stewart observe ses personnages avec une tendresse dissimulée par de l'ironie, un violoncelle venant ajouter sa touche mélancolique sur un quotidien trop sordide et trivial ("Miss Myopia"). En ligne de mire la peur de la dissolution, de la perte d'identité dans la masse ("Assasination no.96", "The great big lie").

Ces pop-songs désossées suivent un régime au pain sec et à l'eau : le disque manque un peu de chair, du nerf qui pourrait servir des compositions dédaigneuses, pour mieux enrober ces "doo-doo doo-doo" lâchés l'air de s'en moquer. Pour l'instant, Katie Stewart utilise le minimum d'effets, mais la musique de Tibi Lubin prendra certainement bientôt d'autres directions.