Tim Rose / Love - a kind of hate story

Tim Rose

par Francois Branchon le 28/04/2010

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
If i were a carpenter
Where do you go to my lovely ?
Going down in Hollywood


Quel phénomène étrange en cette fin des années soixante en Amérique, que tout auteur-compositeur un rien mystérieux mais déterminant se soit appellé Tim !...
Ami de (Tim) Hardin et de (Tim) Buckley, Tim Rose émerge en 1966 du "singer boom" de Greenwich Village avec deux compositions hors pair : "Come away Melinda" et "Morning dew". La CBS le signe, produit son premier album ("Tim Rose" 1967) et inclue "Come away Melinda" sur "The rock machine turns you on", la mythique compilation-catalogue de 1968 (à 9F95 !) qui tourna sur toutes les platines rock adolescentes. Mais malgré ce boost, Tim Rose ne décolle pas, et c'est reprises par d'autres que ses chansons connaissent le succès. "Morning dew" devenu culte connaît de multiples versions, dont la plus fameuse reste celle du Grateful Dead : elle figure sur leur premier album et ils en font un des sommets de concert (cf "Europe 72"). Quant à "Hey Joe", son arrangement personnel de tape dans l'oreille de Jimi Hendrix qui l'enregistre sans en changer une double croche. Mais le problème de Tim Rose est que son aura, liée à Greenwich Village et acquise sur le dos de la musique folk, est décalée. Car il n'est manifestement pas un chanteur folk. Sa voix assez énorme et gravillonneuse, son art de mettre en scène ses compositions et sa préférence pour une Telecaster électrique plutôt qu'une six cordes acoustiques le destinent à une musique plus bourrue, carrée, rude même, une rose avec de solides épines.

L'Angleterre de 1968 l'accueille en revanche à bras ouverts, lui offrant plusieurs concerts (UFO, Saville, Speakeasy) et tournées triomphales, accompagné par Retaliation le groupe d'Aynsley Dunbar ou le futur Led Zeppelin John Bonham. La légende veut qu'il ait même été sollicité par les Rolling Stones pour remplacer Brian Jones en 1969. Le deuxième album du contrat CBS ("Through Tim Rose coloured glasses") est un échec, les deux suivants (sous contrat Capitol), "Tim Rose" et "Love - a kind of hate story", (objet de cette réédition groupée) sont beaucoup plus "anglais". Sa voix, bien soutenue par des orchestrations pop-rock-soul (guitares à foison, batterie parfois bavarde, orgue omniprésent) explose. Sur "Love - a kind of hate story" de 1970, le producteur Shel Talmy (mentor des Kinks) a réuni des pointures (Herbie Flowers, Alan Parker, Alan Hawkshaw et Clem Cattini) et sur "Tim Rose" (1972), les musiciens sont l'ancien Spooky Tooth Gary Wright à l'orgue, Mick Jones à la guitare (partenaire de Wright dans Wonderwheel), Archie Leggett et Bryson Graham formant la rythmique. On est très loin du Rose des débuts et ceux qui s'attendent à des arpèges acoustiques vont faire la gueule. S'il peine parfois à ne pas imiter Joe Cocker, sa musique reste fine (l'extraordinaire "Going down in Hollywood" !) et ses textes sont plutôt forts : "Un jour elle va mourir, un jour elle pourrira en enfer" (on comprend l'admiration de Nick Cave pour le bonhomme !).

Il magnifie aussi l'art de la reprise, s'appropriant la chanson pour en donner une relecture personnelle habitée et radicalement différente. Passons assez vite sur celle de "(You've got to) hide your love away" des Beatles sur laquelle plane le fantôme encombrant du Cocker de "With a little help from my friends" (version ralentie et lyrique, voix, crescendo et mise en scène casse-couilles...), mais comment ne pas être sous le charme de "If i were a carpenter" de Tim Hardin, pour le coup méconnaissable et voguant en pleine heroic-fantasy, et surtout "Where do you go to my lovely ?" de Peter Sarstedt, tragique et tremblant.