10000 days

Tool

par Chtif le 01/06/2006

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
Wings for Marie (pt1)
10.000 days (Wings pt 2)
Vicarious


Tool nous a bien fait languir avant de lâcher ce "10000 days" attendu de pied ferme. C'est que le groupe avait placé la barre très haut avec "Aenima" en 1997, et surtout son successeur "La te ra lus" (2001), porté aux nues par la critique et un public ébahi. Le groupe de Maynard James Keenan est le détenteur d'une formule unique alliant le métal le plus dense aux assemblages les plus complexes, une alchimie infaillible qui lui valut la réputation de "Pink Floyd métal".

Dès les premières secondes de "Vicarious", les craintes d'un affaiblissement s'effondrent. D'emblée, Tool nous sangle fermement sur une chaise, les yeux rivés sur un écran où défilent d'insoutenables images. Meurtres, catastrophes, drames : le spectacle de notre violence ordinaire sur petit écran, celui dont on nourrit nos appétits voyeuristes le soir en famille ("I need to watch things die from a distance, Vicariously, I live while the whole world dies, you all need it too - don't lie"). Les guitares, lourdes, perçantes, montent en spirales géométriques pour mieux nous accabler.

La tension ne se relâche pas par la suite. "Jambi" déploie un groove qui faisait parfois défaut sur le précédent album, très (trop ?) technique, le tout sur des rythmes impossibles tenus de main de maître par un Danny Carey inhumain de virtuosité aux toms.

Le gros morceau du nouvel album vient après avec la suite "Wings for Marie (Pt1)" - "10000 days (Wings Pt2)". 17 minutes étouffantes durant lesquelles Maynard rend hommage à sa mère qui resta paralysée 27 ans durant (10000 jours, donc). Au milieu d'ambiances pluvieuses et de sonorités orientales (sitar, cloches...), Adam Jones nous fait revivre le supplice et prend tout son
temps pour percer nos chairs de riffs lancinants. L'expérience partagée est christique, intense. Le chanteur, lui, est en pleine catharsis. Et ce n'est pas tout. Tool a poussé le vice jusqu'à faire en sorte que les deux pistes écoutées simultanément se complètent. Des malades.

Guidés par la voix remarquable de Maynard qui explose sur "The pot", et par les incantations rituelles de "Lipan conjuring", on s'engouffre ensuite dans une salle clinique, immaculée. Des médecins tentent de faire revenir un patient hagard resté perché après le trip de trop ("Lost keys (blame Hofman)"). Peine perdue, les dommages sont irréversibles, les muscles
figés, et Maynard se lance dans un "Rosetta stoned" avec un débit d'aliéné, incompréhensible, évoquant De Niro qui gargouille tel un diable happé par les flots à la fin des "Nerfs à vif".

Fin du chemin de croix. "Intension" et "Right in two", imposent l'évidence : "10000 days" est de ces albums qui mettent tout le monde d'accord et laissent la concurrence sur place. Plus accessible que "La te ra lus", ce qui ne signifie en rien que le groupe s'est fourvoyé en compromis, il s'impose comme leur meilleur disque à ce jour (bien que les débats fassent rage sur les forums à ce sujet), à même de fédérer toutes les chapelles.

Trop de tension, de contenu détraqué et d'ambiances envoûtantes dans ce disque. Face à la douleur, la musique de Tool demande une immersion totale qui nous éreinte. A tel point que le silence qui suit est plus effrayant encore.