| | | par Jérôme Florio le 08/05/2014
| Morceaux qui Tuent En solitaire 10000 jours
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| Le titre du deuxième disque de Tristen (le premier, "L'ombre à suivre", 2011) affiche une belle humeur : partir à la guerre la fleur au fusil… mais qui est l'ennemi ? Qui sont ces "barbares" ? A moins que "L'attraction des corps", qui pose le décor avec une discrète assurance, ne déporte le champ de bataille dans l'intimité. Autant de questions auxquelles Sébastien Pasquet répond de manière elliptique, avec style et variété, entre chanson d'ici et influences anglo-saxonnes.
Tous les textes sont en français, mais le vocabulaire musical est plutôt rock : Tristen se préoccupe davantage de la sonorité (et c'est réussi) des mots que de leur signification première. Mais ce n'est pas un prétexte pour s'arrêter là ; il y a du sens. Les paroles sont parfois l'oeuvre de Sébastien seul, ou écrites en collaboration avec d'autres dont Bénédicte (Monat, ils forment par ailleurs le duo Blanche as a name) – ce n'est pas si fréquent, les groupes où un gars s'approprie les mots d'une fille. Dans la bête à deux dos masculin / féminin, on ne sait jamais qui prend l'avantage. Globalement le mâle n'est pas à la fête. Les fantasmes de mort héroïque finissent en eau de boudin tragicomique (la dansante "Le lustre", avec sa basse disco), ou en supplice maso ("La pluie horizontale" avec aussi des chœurs enjoués). Il y a du Morrissey dans la voix agile de Sébastien sur "Le phoenix aux fleurs", avec son riff de guitare acoustique qui a des faux airs de "Personal Jesus" (Depeche Mode). "Laisse pleurer les hommes" est-il un manifeste anti-macho ? Le pont en est le meilleur moment, tout en tension électrique. Des assassins le couteau entre les dents, armés de mauvaises intentions, "brûlent les idoles". Masculinité en danger, ou dangereuse ? "10000 jours" est tranchante et menaçante. Avec Bénédicte au chant, il y est question de séquestration puis de libération. Elle est enchaînée avec "La femme qui ne sourit jamais" - musicalement plus badine, on dirait presque un orchestre de jouets - de manière que les deux sexes en prennent chacun pour leur grade.
Sébastien a un réel talent pour construire et arranger ses chansons, toutes relativement longues (rien sous 3'29) et qui captent l'attention. Par exemple "Sur le sol" (5'19, la plus longue) commence piano-voix, puis se rajoute une rythmique rock assez 70s un peu planante, et se raidit ensuite. La musique raconte sa propre histoire, parfois en opposition avec les textes. Sur l'accrocheuse "En solitaire", on peut reconnaître une manière assez anglo-saxonne de construire un mur de guitares. On est encore dans un romantisme assez souriant et naïf, bien qu'un peu cruel, état toutefois passager… Etat des lieux après la bataille, "Ce qui reste de toi" vire électro au moment où la chanson dérape avec l'autre éparpillé façon puzzle (sic) sur le parquet. "Les boites aux lettres" reprennent ces sonorités de basses profondes, avec une belle mélodie au chant et un final en crescendo. C'est une autre facette, un univers un peu autiste et synthétique.
Malgré les ruptures de ton, il se dégage de "Mars en marche" un esprit franchement pop ; c'est la franche réussite d'un disque à la fois codé et volontiers joueur.
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