Troy von Balthazar

Troy von Balthazar

par Jérôme Florio le 28/10/2005

Note: 9.0    

Le EP quatre titres paru au printemps dernier (repris ici en intégralité), puis un concert habité à la Guinguette Pirate, nous avaient donné envie de rester très attentifs à la sortie du premier long format de Troy von Balthazar. A raison : en congés de son groupe Chokebore, il réussit le tour de force d'imposer un univers à la forte personnalité, intime et tordu, où la beauté ne va pas sans son contraire.

"Troy von Balthazar" a été conçu dans des conditions précaires et un isolement quasi-total, comme pour se mettre en état de sensibilité maximale : il a été le plus souvent enregistré sur un 4 pistes pas tout neuf, dans la solitude d'appartements grands et froids éparpillés entre la France, les USA et l'Allemagne.
Mais où que ce natif de la bleue Hawaï se trouve, il emporte avec lui sa tempête sous le crâne. Les instruments qui peuvent résister à ces violentes perturbations sont peu nombreux : quelques gadgets cheap (boîte à rythmes, dictaphone...), à peine une batterie, l'essentiel venant des guitares (de l'acoustique simple au mur de saturation) et de la voix agile et tendue, parfois triturée. A l'intérieur de son bazar, Balthazar invite pour deux accalmies une jeune fille au chant docile, Adeline Fargier ("Perfect", Dogs"). On dirait qu'il chante depuis l'œil du cyclone, dans un calme relatif où la lumière est captive ("I block the sunlight out", "Cover us") ; mais à peine un pas de côté, et c'est au milieu de la confusion qu'il parvient de manière assez impressionnante à garder le cap, en se débattant à coups de contorsions et de grimaces. L'amour physique est libérateur ("Real strong love", "Playground"), mais les yeux, le regard, comportent une part égale de terreur ("Bad controller") et de réconfort ("The color comes") - "Le sexe et l'effroi", comme l'a écrit Pascal Quignard... Des plages de calme, que l'on devine obtenues de haute lutte, offrent un répit fragile ("I want everything magnified"). Le traditionnel "Old black Joe" est gondolé comme un 45 tours d'enfance qui se serait voilé au soleil.

La singulière attraction qui se dégage du disque de Troy von Balthazar émane de son côté brut et cru, tendu comme la corde d'un arc – ce qui pourra être embarrassant aux oreilles de certains. Un art de l'intranquillité de la part, comme le dirait un de nos dérangé des voitures, d'un beau bizarre.