Radiorama (Collection Signature)

Xavier Garcia

par Hugo Catherine le 01/11/2008

Note: 9.0    

"On ne peut pas parler deux à la fois dans un micro, ça c'est une règle fondamentale". Xavier Garcia (conception générale, sampler, traitements), Alexandre Meyer (guitare électrique) et Lucia Récio (voix) prennent le contre-pied de cet adage radiophonique. Dans leur hymne à la voix radiophonique, justement, ils juxtaposent, interposent, superposent, transforment, bricolent, défigurent. "Radiorama" est ainsi une création électroacoustique en hommage à l'art et la pratique radiophonique, et accessoirement une commande de l'INA-GRM. Le son de la radio est matière, autant brute que finale. Xavier Garcia est un artisan du son, il travaille son son sur le son.
 
Ou plus exactement, il œuvre à partir de notre son commun, le son radiophonique. Ce son est peut-être un bien commun mais il relève aussi du domaine de l'intime : à chacun ses souvenirs radiophoniques. De l'identité à l'identitaire, la radio traverse les grandes comme les petites histoires. La musique de Xavier Garcia s'épanouit grâce à cette double sensibilité. Privilégiant tantôt les témoignages grandiloquents, De Gaulle en tête, tantôt les revendications particulières ("Non au démantèlement de Fréquence Gay"), "Radiorama" balaye l'histoire radiophonique d'un grand coup de son.
 
Evidemment conceptuel, "Radiorama" n'en demeure pas moins poétique. La poésie de Xavier Garcia s'incruste dans les interstices sonores, dans les moindres respirations journalistiques. Les jeux de copier/ coller, les leitmotivs, les phrasés tantôt limpides tantôt enragés, les transformations vocales, les conflits de fréquences sont au service d'une orfèvrerie électroacoustique de haute volée. Les apports de guitare, de voix, entre opéra barré, free passager et rock énervé sonnent comme des évidences.
 
"Radiorama", album bien nommé, nous raconte des centaines d'histoires, c'est-à-dire une seule et unique, celle de la radio elle-même. Précieux mélange de continuité vocale, car ici le silence est honni, et d'irruptions de sons, "Radiorama" s'écoute et s'entend tout à la fois. C'est un rêve insistant, une songerie s'ensemençant, gorgés d'ondes paradoxalement terre-à-terre : "Mais Monsieur, vous êtes grossier" ; "Mais Madame, vous êtes conne".