Fragments 1999

Yosuke Yamashita

par Frédéric Joussemet le 22/05/2000

Note: 8.0    

La pureté du jazz développé par le pianiste japonais Yosuke Yamashita fait étrangement penser à un miroir brisé. Certes on pourrait dire que c'est dommage, l'image est forcément moins nette, des morceaux sont à l'envers, aucun n'a la même taille ni la même forme... Mais au contraire, l'intérêt est bien plus grand, les reflets se complètent et s'entrecroisent, l'éblouissement est plus intense. Car la musique du maître international du piano nippon est sans conteste intense, vive, presque dure. Il n'est pas là pour reprendre des standards (même s'il l'a déjà fait) mais pour délivrer ses morceaux, condensés de liberté pour un trio complémentaire. Cecil McBee œuvre à la contrebasse, fluide et vif, s'appuyant sur la fougue tempérée de Pheeroan AkLaf à la batterie. Tout deux sont bien présents, décochant des soli tout au long de l'album, aux côtés du pianiste, et non derrière. La formule du trio que Yamashita a privilégiée dès le début de sa carrière (avec quelques escapades infidèles) laisse toute la place nécessaire à son jeu rude et cinglant, fait d'attaques free en accords brutaux ou d'enluminures autant rythmiques que mélodiques. Le morceau titre "Fragment" laisse rêveur devant l'étendue et la complexité du vocabulaire du pianiste : free sautillant ou lourd, en solitaire ou accompagné, cavalcades ternaires ou instants en suspension, mais toujours aux aguets, sous pression. Dommage qu'il n'y ait pas plus de morceaux aussi longs (vingt minutes), propices à l'explosion des conventions et du talent des trois hommes.