Inspirine

Yves Robert

par Sophie Chambon le 05/01/2009

Note: 8.0    
spiraleAcheter


C'est vrai qu'on l'attendait avec impatience le nouvel album du tromboniste Yves Robert (rien à voir avec le cinéaste). Après sa version débridée de "Eté" sur le label 2Z et sa proposition poétique et intimiste de "In touch" (quarante-huit minutes de tendresse) chez ECM en 2002, le musicien a changé de maison de disques et c'est Chief Inspector, le grand petit label "indé" qui l'accueille, pour un premier essai sur "L'Argent" en 2005, puis aujourd'hui pour cet "Inspirine" qui renoue avec son trio de fidèles complices : le génial percussionniste de musiques du monde Cyril Atef - dont on a encore en mémoire le duo Bumcello avec Vincent Segal - et le violoncelliste Vincent Courtois - dont on se souvient avec nostalgie d'un concert à la défunte Maison du Jazz des deux compères en 2001. Yves Robert retrouve aussi ici le contrebassiste Bruno Chevillon, connu lors d'expériences progressistes de musique actuelle (Arfi de Lyon, Grim à Marseille), quand l'Avignonnais constituait alors la bas(s)e de ses groupes des dernières décennies.
 
Très imaginatif dans ses compositions toujours ludiques, Yves Robert donne libre cours à sa fantaisie et à son humour très particulier. On note bien entendu les effets réjouissants du groove de Cyril Atef, formidable boîte à rythme humaine qui étale un tapis chatoyant ("Between the bliss and you") propice aux effets les plus divers du tromboniste, qui s'essaie à tout avec sa coulisse. Le violoncelle donne toujours sa teinte baroque ("Plus de caféine") recréant des climats voluptueux. Les titres définissent assez bien chaque composition, dans une scénographie animée, tout en ruptures plus ou moins abruptes : pas de programme précis pour animer ces pièces, courtes en général, à l'exception de "Bien dans sa peau" (premier titre) et du délire final "Ni Dieu ni applaudimètre", pas si surprenant quand on connaît la mécanique de Robert, qui peut ainsi quitter la scène sur une pirouette vocale, comme au théâtre sur un effet hypnotique et choral.

Ça joue vite et fort, souvent en puissance "l'air très expiré" : on a envie de danser en dépit des rugissements ou barrissements de ce diable d'instrumentiste, excité même par les changements de tons, "Épanoui, c'est nous, oui". Un rock un peu sale dans "Wadda u want", des passages plus sobres, moins énervés, feulements presque sensuels, plus sentimentaux ("Spirituel frisson"). "Aspirer à être inspiré", oui c'est vraiment ce que l'on ressent à l'écoute de la musique délirante et réjouissante du tromboniste Yves Robert, qui nous fait décoller en goûtant sa mixture, nous qui n'avalons pas n'importe quelle pilule !