Chroniques Concerts

Festival Rock en Seine 2005

Posté par : Chtif le 26/08/2005

Troisième édition pour Rock en Seine qui regagne ses quartiers d’été parmi les statues du Parc St-Cloud. Le cadre est idéal, l’organisation aussi : les horaires sont respectés, le site bien géré, et l’on va jusqu’à distribuer des boules Quiès aux mous du tympan. Même les Dieux se sont penchés sur le festival en stoppant la pluie qui battait son plein depuis le matin. Par contre, ils ont oubliés de faire un petit geste sur le prix des bières. A cinq euros le baron, ça fait cher le travail de sape. Ceci dit, un nombre respectable de cadavres jonche déjà la pelouse à notre arrivée, passé 17h (dommage pour The Subways, Athlete et consorts, mais le périph, lui, n’était pas de la fête). Pour l’heure, Mike Shinoda, DJ de Linkin Park balance quelques samples hip-hop bien inoffensifs devant un public hétéroclite et bon enfant qui préfère rigoler un bon coup devant le concours de "air guitar".

Les choses sérieuses commencent avec les Sunday Drivers qui sèment un esprit 60’s de circonstance sur la scène de la cascade, à grands coups d’amplis orange et d’orgue Hammond. De l’autre côté, la foule s’amasse pour ne rien manquer de la prestation d’Arcade Fire, incontestable attraction de la journée. Stupeur, les canadiens effectuent eux-mêmes leurs réglages : du jamais vu sur la grande scène ! Un doux parfum d’amateurisme règne sur le plateau : les musiciens se réaccordent entre chaque morceau, et le son s’avère fort médiocre (il faut dire qu’à huit sur scène, bonjour la galère pour l’ingé son !). Ceci n’entachera en rien leur performance, d’une intensité palpable. "Wake up" ouvre le bal, et de suite c’est l’orgie sur scène. On tape sur tout ce qui bouge, on se chamaille, on s’échange les instruments, et surtout on joue, on se livre comme si, réellement, sa vie en dépendait. Régine Chassagne, splendide et tellement atypique, chante tout un pays d’amour sur "Haiti". Richard Perry, sorte de "poète disparu" qui se serait planté d’orientation, subit les assauts incessants du trublion casqué Will Butler (un conseil : se mettre sur la gauche de la scène pour ne rien rater des facéties du duo). Malheureusement, Win Butler est un peu remonté par les problèmes techniques : on le verra même balancer sa pédale d’effets dans le public ou casser un pied de micro. Dommage. Inutile de revenir sur la qualité des compositions du groupe : le passage à l’épreuve de la scène est ahurissant. Chaque morceau devient tour à tour son préféré. Carton plein pour Arcade Fire qui aura convaincu malgré de mauvaises conditions les derniers indécis.

On s’enquiert de la prestation des français de Hushpuppies (apparemment très réussie) tout en se rendant au concert des Hot Hot Heat. Ici, point d’approximation : le show est très professionnel et sans temps mort, mené de voix de maître par Steve Bays, qui arpente la scène tel un Freddie Mercury confiant et conquérant. L’ambiance est festive et le groupe emballe sans difficulté un public très joueur avec leurs hits disco-rock dans l’air du temps.

Retour sur la grande scène pour les Queens of the Stone Age, apparemment incapables de produire un mauvais concert. Le choix des morceaux n’est pourtant pas évident : Josh Homme et sa clique préfère asséner de vicieuses décharges issues des Desert Sessions en faisant l’impasse sur les morceaux les plus connus ("Another love song" ou "Feel good hit of the summer"). Et ce n’est pas pour déplaire au troupeau déchaîné qui pogote et slamme à loisir dans la fosse. La slide guitar autrefois prépondérante est désormais remplacée par une diablesse sexy au clavier qui fait malheureusement pâle figure face au charisme de Josh Homme. Entre deux impros bluesy saignantes, celui-ci revêt d’ailleurs son attirail de crooner pour un "I never came" fort charmeur. Joey Castillo, servi par une sono infernale, est impérial derrière ses fûts, et propulse définitivement "A song for the dead" parmi les classiques incontournables des morceaux de boucher. Une fois passé à l’équarrissage, lessivé et couvert de boue, on doit s’extirper de la fosse à contre-courant : les premiers rangs pour le concert des Pixies se disputent âprement (dommage pour le hip hop old school de Jurassic 5 qui remportera un grand succès confidentiel en même temps sur la scène de la cascade).

Ce sont donc les parrains officiels du rock indie qui cloturent la journée, avec une sono parfaite pour peu que l’on s’éloigne un peu de la scène. Prenant d’entrée de jeu les festivaliers à contre-pied, les Lutins démarrent par un "I bleed" d’outre-tombe, avant de se débarrasser d’un "Where’s my mind ?" sans doute devenu trop encombrant. Patience, tous les tubes suivront bel et bien, assénés avec une grande musicalité par un Franck Black ventru mais très en voix, et une Kim Deal qui grille clope sur clope par dessus sa basse. La palme revient à la furia de guitare totale de "Vamos", qui à elle-seule annonçait déjà tellement de changements sur "Come on pilgrim" en 1987. Les fans ne sont pas lésés avec les moins évidents "Alec Eiffel" ou "Is she weird". Les bostoniens décevront néanmoins une bonne partie du public. Sans doute lassés par les hurlements de chien andalou de Franck Black sur les morceaux les plus rentre-dedans, beaucoup de festivaliers déserteront les lieux pour aller se défouler une dernière fois sur la techno rave de Vitalic avant d’aller sagement au dodo. Il faut dire que le lendemain, ce sont les Foo Fighters, Franz Ferdinand, et Robert Plant qui les attendent. Encore une programmation bien sympathique après cette première journée totalement réussie.