Coups de Gueule

Sweet Little 16(ème arrondissement)

Posté par : Jérôme Florio le 23/02/2007

Sweet Little 16(ème arrondissement)

Le renouveau du "rock parisien" ressemble à une vraie scène, avec un groupe phare (Naast) qui ouvre la voie à d’autres (Plasticines, Second Sex, The Shades…). Tous sont très jeunes, ados en âge d'être au lycée. On remarque tout d'abord leurs franges très étudiées et un look qui recycle le style des mods et des yéyés classieux. Pour la musique, les Naast le disent eux-mêmes, leur culture rock s'est en partie construite grâce à Internet : une méthode Assimil parfaitement retenue et digérée en un temps record – les serveurs de téléchargement de rock sixties ont chauffé sévère. Ensuite, c'est du boulot et de l'énergie à revendre, ce qu'il faut souligner malgré l'insolente facilité qu'ils démontrent. Comme me l'a dit un pote, ils ont une guitare dans une main et l'Annabac dans l'autre (encore que pour les Shades ce serait plutôt le dictionnaire de rimes…).

Et le rôle de la presse ? Ces groupes sont notamment soutenus assez fort par Rock&Folk, qui a donné à Naast et aux Plasticines la couverture de ses deux derniers numéros (avec des papiers signés Manœuvre, Ungemuth, Eudeline). C'est de bonne guerre, à chacun son pré carré : d'un côté R&F, les gardiens du temple du rock puriste ; de l'autre les Inrocks, plus intellos, qui s'arrogent le revival post-punk et new-wave. Depuis fin 2005, le buzz prend, les concerts font le plein d'adolescents survoltés et parviennent même à convaincre de vieux routards du rock, pourtant tout prêts à dégainer leur air blasé et condescendant. Pour une fois la hype se passe en France et concerne des groupes très jeunes. Simple application française des recettes de marketing qui fonctionnent outre-Manche ?

La musique des jeunes pousses franciliennes sonne rétro – en vrac Dutronc, Small Faces, Kinks, Slits, et tous les groupes garage-rock des compiles Nuggets. Mais entre rétro et régressif, la frontière est parfois mince. Est-ce que l’on peut faire comme si on vivait encore entre 1965 et 1975 ? La question ne semble pas se poser à cette jeunesse dorée, à laquelle tout semble acquis. Beaucoup de chansons rock actuelles sont comme repliées sur elles-mêmes, parlent du star-system, cultivent un aspect sexuel ; le rock est la bande-son de défilés de mode, de publicités, etc. Vit-on une époque d'hédonisme bourgeois ? Les Naast décrivent leur premier disque "Antichambre" (je cite de mémoire) comme une dérive adolescente à travers mille plaisirs, dans un espace orné de miroirs sans tain. La première chanson, l'efficace "Mauvais garçon", est révélatrice : "Mon reflet me guette / Me pointe du doigt / Mais, je me demande pourquoi, pourquoi? / Je suis partout à la fois". On a l'impression de lire une critique d'un disque du Velvet ou de Bowie, agrémentée des bonnes références et de la bonne durée ("Antichambre" dure 29 minutes, ce qui rentre dans le package "rock pur et dur sans concessions"). Les Naast se verraient bien en divins marquis, avec tout le vocabulaire et la panoplie du dandy décadent.

La rébellion contre les parents n'est plus possible, puisque Gustave Rambali des Naast est le fils d'un critique rock de R&F… Les Shades, Second Sex, Plasticines et les autres seraient-ils des enfants qui réaliseraient les fantasmes rock'n roll de leurs parents ?