Chroniques Concerts

Leonard Cohen - Grenoble Palais des Sports 17 Septembre 2010

Posté par : Maxime Morinière le 24/09/2010

Franchement, je n'attendais pas grand chose du concert de Leonard Cohen, le visionnage du Dvd "Live in London" paru l'an dernier ne m'ayant guère convaincu de l'intérêt artistique d'une telle tournée.

Pour voir le Monsieur prendre des risques et jouer ses plus belles chansons seul avec sa guitare, il faudra en effet repasser, les uniques "Suzanne" et "Sisters of mercy" ayant eu droit à un tel traitement de faveur. Sur cette tournée, il est entouré d'un groupe composé de deux guitaristes, d'un organiste (au B3 le plus souvent), d'un batteur, d'un bassiste/contrebassiste et de deux choristes. Mais surtout, il y a cet énergumène soufflant dans tout ce qu'il a sous la main (saxophone, harmonica, ...) et qui réussit l'exploit d'obtenir une ovation du public à chaque fois qu'il plombe l'interprétation d'une chanson !! Car, oui, les arrangements des morceaux ont été revus et corrigés à la même sauce que les albums des années 80 et 90 du Canadien, si bien qu'au final on croit assister à... un concert de variété ! C'est ainsi que "Bird on a wire" a été massacrée.

Le spectacle, réglé comme du papier à musique et d'une durée de 3h30, n'aura finalement été intéressant que par passages, et rares auront été les enchaînements qui valaient le coup ("Suzanne"/"Sisters of mercy" donc, et "The partisan"/"Halleluyah"). Bien que Leonard Cohen ait promis, d'une voix plus caverneuse que jamais, "de tout donner ce soir", le concert aura été mou, sans jamais vraiment réussir à faire vibrer le public, trop occupé à lire la traduction des paroles défilant sur les écrans géants. La magie aura donc opéré trop épisodiquement pour tirer vers le haut un spectacle dont le meilleur moment restera l'interprétation de "Who by fire", dans une version allongée et magnifique de simplicité. On aurait aimé que la totalité du concert soit du même acabit.




John Cale - Paris Salle Pleyel 5 Septembre 2010

Posté par : Jérôme Florio le 07/09/2010

Hier soir John Cale revisitait son disque "Paris 1919" à la salle Pleyel, accompagné par son groupe et l'Orchestre National de Paris dirigé par Christophe Mangou. Le programme était intitulé "When past and future collide", et séparé en deux parties : tout d'abord l'intégralité de "Paris 1919", puis une sélection de chansons choisies par Cale dans son vaste répertoire.

Pour cette tournée de quelques dates européennes, John Cale et son groupe sont à chaque fois accompagnés par un orchestre différent – une certaine prise de risque qui a amené une petite tension pas désagréable pour un disque qui réclame pourtant une si grande souplesse. Pendant tout le concert, Cale sera très attentif à la direction d'orchestre de Christophe Mangou : le peu de répétitions ne laisse pas de place à l'erreur.
Quand John Cale arrive sur scène d'un pas pressé, je remarque que ses cheveux ont blanchi depuis son concert à l'Elysée-Montmartre fin 2003... mais sa voix est quand à elle intacte, et même plus puissante qu'avant. Il se met instantanément à marteler les accords de "Child's Christmas in Wales" sur son clavier... que l'on n'entend pas à cause d'un problème technique sitôt réglé. Cela n'entame pas la bonne humeur de l'orchestre : on verra souvent les violons arborer un grand sourire, se faire des blagues en douce, et se retourner parfois vers le guitariste lancé dans quelque solo "guitar-héroïque". On a même souvent vu l'oeil de John Cale pétiller ! "Child's Christmas in Wales" et "Hanky panky nohow" rendent assez bien, surtout grâce à l'interprétation de Cale qui porte sur ses épaules ce début de concert. "The endless plain of fortune" est un grand moment, porté par une puissante et enveloppante vague orchestrale. "Paris 1919" est très attendu, notamment à cause de son délicat passage instrumental (baptisé "Les Tuileries"), qui est assuré en douceur. L'ironie de "Graham Greene" a le même éclat mordant que sur disque ; "Half past France" est une autre réussite du concert, où l'osmose entre le groupe rock et l'orchestre est parfaite – pas aussi moëlleuse que sur disque avec les membres de Little Feat, mais pas loin. Choix bizarre (et pincement au coeur), John Cale choisit d'inverser l'ordre des deux derniers titres : la très rock "Macbeth" est jouée en finale, après la belle "Antarctica starts here" qui passe trop vite, et dont j'aurais aimé savourer le silence qui suit les derniers mots.

Ovation debout et entracte.

John Cale choisit d'attaquer la seconde partie du spectacle en formation plus resserrée, avec un titre issu de "Vintage violence" (1970) : "Hello, there" est enjouée, avec un arrangement pour cuivres que l'on ne se rappelle pas avoir entendu sur disque. "Whaddya mean by that", le seul titre inédit de la soirée, est construite sur un riff plus électrique et un changement de braquet entre le couplet et le refrain. Assez banale. On baisse encore d'un cran avec l'interminable mid-tempo "Amsterdam" (encore "Vintage violence"), très kitsch avec ses pesants solos de trompette : relecture loupée, et à ce moment-là Cale n'est pas loin de nous gâcher la soirée ! Heureusement, "Do not go gentle into that good night" et "Secret corrida" relèvent bien le niveau, avec retour de l'orchestre au complet. "Hedda Gabler", bien que monotone, parvient à maintenir l'attention.

Fin du concert, re-ovation debout et rappel.

Les techniciens viennent poser juste devant moi une tête d'ampli Marshall branché à une guitare Fender : je me dis que ça va dépoter. En effet, Cale et son groupe assènent un rock tonitruant en enchaînant "Gun" et "Pablo Picasso" dans une version massive et hérissée, qui malmène les tympans pendant plus de dix minutes – John Cale tient à préserver un côté terroriste sonique qui commence maintenant à dater, mais toujours très efficace.

Les lumières se rallument sur une musique que l'on connaît pour être dans la BO du film de Spielberg "Empire du soleil" ; c'est "Suo gân", une berceuse galloise traditionnelle (pas du tout une compo de John Williams !). Emouvante tombée de rideau.