1+1=1

Badly Drawn Boy

par Jérôme Florio le 01/10/2004

Note: 6.0    

Avec ses premiers maxis bricolés en 1997 qui papillonnaient entre folk et électro lo-fi, Damon Gough donnait l'image brouillée d'un possible Beck anglais. Depuis, il a tombé le masque sur des disques plus facilement identifiables : son deuxième album "Have you fed the fish ?" puis la B.O.F. d'"About a boy" ont pu faire regretter à certains les traits aux contours flous de ses débuts.

Badly Drawn Boy revient avec un disque en apparence profil bas, enregistré dans ses pénates. Ses chansons sont plus simplement arrangées, le son est assez brut, juste rehaussé d'un strict nécessaire rythmique, flûtes traversières et chorales d'enfants ("Plan B", "Year of the rat" – amusant jeu de mots sur la pénible "Year of the cat" d'Al Stewart). La différence entre le studio ultramoderne et la maison, c'est s'obliger à l'essentiel, comme passer d'un gavage de McDo à un régime fruits et fibres. Le risque de trop de confort domestique est de s'assoupir au coin du feu (l'instrumental "Take the glory"), d'être un peu trop à la coule. Damon Gough nous invite chez lui, papa gâteau devant le babil de sa fille : "1+1=1" peut se lire comme une ode à la vie tranquille, en couple, où les deux conjoints ne feraient plus qu'un. On n'est pas sûr que tout cela nous intéresse beaucoup, mais Gough force définitivement notre sympathie sur la fin du disque, avec le boogaloo joyeux en surface de "Another devil dies", ou la touchante "This is that new song" arrangée avec cœur. La flûte aux colorations celtiques de "The blossoms" s'envole sur "Easy love" comme un papillon attiré par la lumière, distante toutefois, des "Thoughts of Mary Jane" de Nick Drake.

Damon Gough saupoudre ses chansons de gentils effets psychédéliques (les bandes jouées à l'envers de "Holy Grail") comme un Syd Barrett bourré au Champomy, et aussi un penchant Ringo Starr-Beatles pour cette charley mixée en avant ("Life turned upside down"). Les trames des morceaux sont parfois aussi chétives que des oisillons implorant leur becquée, mais force est de constater que Gough parvient toujours à les faire décoller, en les couvant amoureusement (le violon et la basse obsédante de "Don't ask me I'm only the President"), ou en les poussant de force hors du nid (les guitares de "Another devil dies", "Summertime in wintertime"). Certains, lâchés trop prématurément, ne se risquent pas assez loin, comme la (trop) courte "Fewer words" – à la mélodie BDB pur jus.

Au final, une humble construction pas tapageuse, qui épouse le rythme d'une vie paisible et champêtre. "1+1=1" s'installe sans faire de bruit, en ayant au préalable pris le soin de frapper à la porte et de s'essuyer les pieds sur le paillasson. La musique ne semble plus être une priorité chez Damon Gough, plutôt une activité toujours indispensable mais relativisée, mise à égalité avec le reste. Qui l'en blâmera ?