BOF About a boy

Badly Drawn Boy

par Vincent Théval le 03/05/2002

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Something to talk about
Silent sigh
Above you, below you


Quand il tourne le dos au public et se penche pour prendre le verre de bière posé à ses pieds, on voit son slip dépasser du pantalon et la raie des fesses dépasser du slip. L'individu qui accapare l'attention ce soir sur scène porte un bonnet sans âge sous lequel on devine des cheveux abondants et gras. Il renifle et se gratte l'entrejambe. La classe.

Interloqué, on hésite entre l'éclat de rire devant cette performance d'un anticonformisme spectaculaire et le silence gêné devant le sort réservé aux chansons de son magnifique premier album : jouées par un groupe de bras cassés, aucune de ces mélodies divines ne décolle. Le romantisme échevelé de Badly Drawn Boy vient lamentablement se scratcher sur la raie des fesses de Damon Gough. Il y aurait donc un Damon des scènes, provocateur extravagant noyé dans son verre de bière, et un Damon des disques, génie éclatant de la pop musique britannique contemporaine, orfèvre en écriture, mélodiste hors pair, fin instrumentiste. Bien heureusement, c'est à ce dernier que nous avons à faire sur ce deuxième album, commande destinée à illustrer le film "About a boy". Notre bonnet humain se sort à merveille de cet exercice, exécutant les figures imposées du genre avec une grâce infinie. Les courtes pièces instrumentales "Exit stage right", "I love NYE" et surtout "Wet wet wet" ont l'élégance mélancolique d'un Nick Drake, les yeux embués, le regard vague des âmes sensibles perdues dans la grande ville, violons, glockenspiel et guitare sèche en tête. Mais "About a boy" contient surtout une dizaine de chansons qui confirment l'importance de la lettre B dans l'histoire de la pop. Badly Drawn Boy tient fermement sa position sur l'axe Beatles / Beach Boys. Pour autant, rien ici ne sent la chaussette mouillée. L'aisance mélodique, la liberté de mouvement de ces chansons les éloignent de toute génuflexion devant les ancêtres. Le piano, omniprésent, vient appuyer la rythmique moelleuse de "Something to talk about", opulente mélodie soutenue par une guitare sèche et des chœurs. Un ensemble à cordes et une construction équilibriste emmènent "Above you, below me" vers des sommets baroques dignes d'un apprenti Scott Walker. On pourrait ainsi détailler chacun des morceaux chantés d'une voix chaude par un Damon Gough au mieux de sa forme. Mais il y a autre chose. Il y a "Silent sigh", un de ces petits cataclysmes émotionnels qui nous chamboulent de temps en temps. Une chanson pop parfaite, de celles pour qui la fonction 'repeat' des platines Cd a été inventée. Une rythmique rebondie, un piano et des chœurs féminins dessinent une mélodie parfaite sur laquelle Damon Gough vient poser une voix de falsetto déchirante. C'est parce qu'on espère toujours trouver de telles pépites que l'on fréquente encore assidûment les disquaires et les concerts, fut-ce au prix de rencontres incongrues avec la raie des fesses de Damon Gough.