Blues dream

Bill Frisell

par Sophie Chambon le 23/03/2001

Note: 8.0    

Les albums de Frisell constituent une bande-son parfaitement adaptée à ce trip dans l'Amérique profonde du deep south ou de l'ouest désespérément vaste. On repense au modèle du genre "Paris, Texas" de Wim Wenders, à l'errance guidée par la slide de Ry Cooder. Musique d'un film rêvé, Frisell doit rêver ses disques et parvient à les réaliser. Si certains clichés sont au rendez-vous (on peut regretter les deux morceaux country qui défigurent un ensemble plus savamment entrelacé) cet album est un peu trompeur. N'en déplaise aux inconditionnels de la bluegrass, du folk, country and western, cela n'en est pas tout à fait. La guitare recrée les images du genre, ou plutôt les contourne tout en restant dans une même perspective, toujours horizontale. Mais en fait qu'est ce qu'on attend dans ce "Blues dream" de dix huit titres, qui s'étirent sur plus d'une heure ? Que Bill Frisell installe pour notre quiétude ce climat crépusculaire. Musique entre chien et loup dans la prairie perdue. Finalement le courant passe, il suffit d'être en phase. On se sent soutenu sans effort apparent, protégé dans une atmosphère enveloppante. Le rythme s'amenuise sensiblement, à part les premiers morceaux qui se détachent, plus éclatants. Frisell fait penser à certaines figures légendaires du rock, toujours 'on the wire', entre émotion et sentimentalisme. Quelques effluves de Neil Young ("The blue note" avec Crazy Horse et Dead Man). Deux profils enchâssés : celui intéressant, doucement rêveur qui revisite la légende de l'Ouest en faisant tourner la boussole vers le nord, pour affoler un peu cette musique aux rythmes, sonorités et césures plus franches que la country. Qui nous conduirait vers le revers peut être plus jazzÉ Le style de Frisell tend vers une économie de bon aloi et l'adjonction des souffleurs (Curtis Fowlkes, Ron Miles, Billy Drewes) à la batterie traditionnelle des guitares (Frisell, Leisz à la steel guitar, Piltch du New Quartet) renforce intelligemment la formation et fait résonner de façon plus cuivrée l'ensemble. Le voyage à travers cet album a su réserver quelques surprises et on se laisse embarquer encore une fois assez volontiers. Sur la route, au coeur du rêve américain. A la suite des pionniers, de Woody Guthrie et de Jack Kerouac. Bonne nuit les grands !