Le groupe anglais The Nice était une
tête d'affiche rock de la fin des sixties, emmené par le mégalomane
Keith Emerson, premier en 1967 (avec Mark Stein de Vanilla Fudge aux
Usa) à imposer dans la pop l'orgue Hammond B3 comme instrument
frontal, afin de donner toute la grandiloquence possible à la
musique progressive naissante, présence sonore, et visuelle -
Emerson massacrait son orgue à coup de pieds et de poignards à
chaque concert. Souhaitant des pointures et non des gueux à ses
côtés, il sabordera Nice après deux albums, "The thoughts of
Emerlist Davjack" (1967) et "Ars longa vita brevis"
(1968) pour fonder avec Greg Lake (King Crimson) et Carl Palmer
(Atomic Rooster) Emerson, Lake & Palmer et produire la musique
prétentieuse que l'on sait.
Brian Davison, le "Dav" de
Davjack, était le batteur de The Nice, mais sinon s'assoir derrière
ses fûts, il n'avait rien à proposer (ne composait pas, ne chantait
pas) mais décida tout de même de fonder son groupe, Every Which
Way. Il recruta Graham Bell, le chanteur des excellents Skip Bifferty
(chroniqués
ici) et trois inconnus venus de nulle part : le flutiste et
saxophoniste Geoff Peach, le guitariste John Hedley et le bassiste
Alan Cartwright.
L'album publié en 1970, qui bénéficie
de l'attention bienveillante de John Peel, affiche la couleur et la
senteur : ce sera de la musique, juste de la musique, du blues,
teinté de jazz par les cuivres, une musique qui prend son temps, qui
installe des climats, parfois enivrants. "Bed ain't what it used to be"
frappe un très grand coup en ouverture : presque dix minutes de
ballade blues méditative, flottante, en apesanteur (on n'est
vraiment pas loin des Aynsley Dunbar Retaliation, le Fleetwood Mac de
Peter Green ou des Beefeaters danois), une beauté juste magistrale
qui justifie à elle seule l'étiquette de "Trésor caché".
Les autres morceaux sont du même
tonneau, les vocaux de Graham Bell évoquent la bienveillance
bucolique du Traffic des débuts (superbes "Placidly" et
"All in time"). Les cuivres de Geoffrey Peach, parfois un
peu crimsonniens évoquent aussi, notamment au long des huit minutes
de "All in time", ceux de David Jackson (Van Der Graf
Generator grande période "Pawn hearts"). Seul le dernier
titre, "The light", qui laisse le champ libre au guitariste
John Hedley peut lasser au bout de ses sept minutes de solo quasi
continu... Mais ce (mini) bémol n'altère en rien la beauté de cet
album, unique trace discographique d'un groupe d'orfèvres
éphémère.
Davison rejoindra son ancien compère bassiste de The
Nice Lee Jackson pour former Refugee, Graham Bell retournera chez
Skip Bifferty devenu The Arc et le bassiste Alan Cartwright intègrera
Procol Harum (à partir de l'album "Grand Hotel" de 73).
BRIAN DAVISON'S EVERY WHICH WAY Bed ain't what it used to be (Audio seul 1970)
BRIAN DAVISON'S EVERY WHICH WAY All in time (Audio seul 1970)