Whirlpool

Chapterhouse

par Emmanuel Durocher le 30/06/2006

Note: 9.0     
Morceaux qui Tuent
If you want me
Pearl
Breathe


Le nom de ce groupe de Reading formé en 1987 par Andrew Sheriff fait encore froncer quelques sourcils au détour d'une conversation ; en effet, après quelques années d'activisme live au cœur de la scène acid rock anglaise sous le parrainage de Sonic Boom des Spacemen 3, Chapterhouse a eu droit au printemps 1991 aux honneurs de la presse musicale britannique en mal de nouvelles têtes pour poser sur un piédestal (bancal la plupart du temps) la énième sensation shoegaze du moment (un nom un peu péjoratif, on utilisait plutôt noisy pop à l'époque), ce mouvement jeuniste et bruyant qui s'affirmait haut et fort à travers ses murs de guitares, nuage superficiel qui sépare le rien du pas grand-chose afin de cacher un cruel manque d'inventivité pour les uns ou formidable musique éthérée, rêve inconscient et chaos mélodique dans lequel s'entremêlent distorsions psychédéliques et voix angéliques pour les autres (je fais partie de ce second groupe mais il est vrai qu'il y a eu beaucoup à jeter de cette période).

Pas de chance pour eux, cette médiatisation un peu excessive et très éphémère a eu pour effet de passer outre la musique de ce premier album qui tomba rapidement dans le tourbillon de l'oubli ; pourtant "Whirlpool" possède des arguments pour séduire et convaincre, les dix titres apparaissent comme un abrégé du petit shoegazer rassemblant tout ce que l'on peut adorer ou détester dans la fougue et l'immaturité d'une bande de jeunes gens (dont la moyenne d'âge dépasse à peine les vingt ans) prêts à dominer le monde mais qui se sont vautrés avant même le début de leur conquête.

Les deux premiers morceaux sont éblouissants et regroupent ce que le groupe a pu offrir de meilleur : "Breather" trompe son monde, c'est une apnée fulgurante ou les voix juvéniles se faufilent à travers un séisme sonore et les instruments s'entrechoquent sans jamais interférer avec la mélodie ; par contre "Pearl" est bien nommé, cette petite pépite est un songe nébuleux accompagné par le timbre envoûtant de Rachel Goswell (chanteuse de Slowdive, autre groupe spécialiste du genre).

La suite alterne entre les titres ou le rythme se ralentit ("Autosleeper" et ses distorsions venues de chez Lush, "April" malheureusement un peu quelconque), ceux qui voisinent avec les hautes régions de l'atmosphère (en particulier "Treasure" qui rappelle les Boo Radleys et les Pale Saints) et d'autres plus énervés afin que jeunesse se passe mais qui restent mélodiques et ingénieux ("Guilt", "Something more", "Need (somebody)"). Deux morceaux se détachent un peu du lot, les percussions funky sur "Falling down" renvoient vers le nord emporté par la vague Madchester alors que "If you want me" est débarrassé de pas mal d'artifice et révèle s'il en est besoin un véritable talent d'écriture.

L'édition 2006 remasterisée est accompagnée de sept bonus très corrects issus des singles "Pearl", "Falling down" et du Ep "Sunburst" antérieur à l'album, on y retrouve un peu du gros son de l'époque dans la veine hardcore de Dinosaur Jr, noisy de The Jesus and Mary Chain et celle plus expérimentale de Sonic Youth. Inutile de dire que cet album est fait pour ceux qui aiment ce genre de musique (je prêche un peu aux convaincus) avec ses qualités et ses défauts mais il mérite amplement d'être (re)découvert et reste le témoin d'une époque ; "Whirlpool" est le chapitre principal d'un groupe victime d'un effet de mode passager.