Anthologie 1958 - 1997

Colette Magny

par Francois Branchon le 12/10/2018

Note: 10.0     

 "Ne vous étonnez pas qu'à  présent, l'on crie dans la nuit, sans raison, et pour l'Éternité !"
(Colette Magny d'après "Heure grave").

On l'ignore, mais une des plus grandes chanteuses de blues était française, vivait près de Toulouse, à Villefranche-de-Rouergue, entre jardin et piano. Chanteuse éprise de culture américaine, elle obtint un petit succès en 1965 avec "Melocoton", chantée au Petit Conservatoire de Mireille, une ritournelle triste qui entrait dans la tête pour ne plus en sortir. Un succès qui l'emmena à L'Olympia (en pleine hystérie et programmes yéyé) et au hit-parade de Salut les Copains. A ce moment, CBS aurait bien voulu suivre ce filon de Fitzgerald ou Bessie Smith à la française, mais la Magny n'avait aucune envie de ce monde-là.

Refusant le fric du show business, elle en claqua toutes les portes, toute entière à l'engagement politique, et à la manière d'un Ferré (le père), Colette sera l'encore plus intransigeante mère, qui soutiendra toutes les causes, ouvrira sa gueule quand il le faudra, fera les barricades en 68, chantera pour Guevara, le Chili en 73, Cuba, dénoncera les conditions de travail des immigrés (déjà !), hurlera les textes des Black Panthers devant les piquets de grèves... Elle se fera évidemment virer par CBS et héberger par Le Chant du Monde, le label proche du PC. Bien entendu interdite de radio et de télé dans cette bonne vieille France de droite (on raconte que les directeurs de Radio France rayaient ses disques pour être sûrs qu'ils ne passent pas), elle refusera les Olympia et autres salles classiques pour porter sa parole et sa musique dans les Fêtes de l'Huma, du PSU ou devant les usines...

Pauvre, très malade (sa maladie l'avait énormément alourdie et l'empêchait de marcher) et totalement ignorée, Colette Magny en a fini en 1997 avec l'infirmerie St James, et ce jour-là, ça n'a sans surprise pas fait une ligne dans le journal de Claire Chazal, mais pire, ailleurs non plus.

Réécouter la Magny aujourd'hui, c'est garder l'espoir, trouver la force de continuer, de rentrer dans le lard, de se révolter, d'être intransigeant. Éternelle et toujours précieuse insoumise.

L'intégrale Colette Magny (qui parait - ironie de l'Histoire - chez Columbia, héritière de CBS) rassemble en dix Cd ses vingt-quatre albums (de 1963 à 1990), augmenté d'un recueil d'inédits et de reprises (période 1958-1997) où figure l'étonnant "Rap'toi de là que je m'y mette" (plus de 17 minutes d'exécutions - les centrales nucléaires, le Salvador, les armes, les media...), des versions de "Love me tender", "Saint James Infirmary", "900 miles"... ainsi que cinq titres de l'orchestre des débuts jazz de son cousin Gilles Thibaut, avant qu'il ne devienne le parolier machine à sous de Hallyday ("Que je t'aime") ou Claude François ("Comme d'habitude")...

Pour une vue fouillée de son travail musical et son attrait de l'expérimentation, (re)lire la chronique de "Feu et rythme" par Hanson, en lien ici à gauche.




Album "Repression" (1972) avec Bernard Vitet, Juan Valoaz, Beb Guerin, François Tusques et Noël McGhies




COLETTE MAGNY Répression + Interview (TV 1972)



COLETTE MAGNY St James Infirmary (Audio seul)




Un de ses rares passages en télévision, dans l'émission pour jeunes Age tendre et têtes de bois d'Albert Raisner (un fin connaisseur du blues et du jazz) :

COLETTE MAGNY Basin' street blues (Live TV 1963)