Is and always was

Daniel Johnston

par Jérôme Florio le 16/11/2009

Note: 8.5    
Morceaux qui Tuent
Fake records of rock'n roll
Is and always was


Comme le proclame presque fièrement le titre de son nouveau disque, Daniel Johnston est toujours là, qu'il soit ultra lo-fi comme à ses débuts ("Songs of pain", 1981) ou proprement produit comme sur ce toujours douloureux mais très vivant "Is and always was".

L'Américain bénéficie d'un crédit incroyable dans le monde indie-rock, notamment depuis que Kurt Cobain ou Yo La Tengo l'ont cité comme l'un de leurs héros. Les musiciens ne se font pas prier pour se dévouer à son chevet : après Mark Linkous (Sparklehorse) qui a produit "Fear yourself" (2003), c'est Jason Falkner qui ramène sa science de faiseur pop, avec un groupe carré (The Capitol Years) pour assurer l'accompagnement. Toutes proportions gardées, on peut penser à David Gilmour (Pink Floyd) aidant Syd Barrett à accoucher de ses disques solo - la différence étant que Johnston a choisi de se battre pied à pied avec la maladie mentale, tour à tour gagnant et perdant (souvenir douloureux d'un court concert solo au Café de la Danse en 2005). Ici, la production de Jason Falkner est aussi clean que Daniel Johnston semble, au début, à la peine : il bouffe un peu ses mots sur "Mind movies", le batteur s'arrangeant avec des breaks pour suivre le rythme approximatif imprimé par Daniel. Un aveu de faiblesse sincère - "I'm just a psycho trying to write a song" – fait craindre pour la suite. A tort.

Construite autour d'un riff super simple, la tubesque "Fake records of rock'n roll" montre un bel allant et redonne la banane. L'emballage sautillant et un peu cheap de "Without you" déguise une chanson-clé de plus dans la discographie de Daniel Johnston : ce "you" auquel il s'adresse pourrait bien être sa folie –"Without you / I'd be doing fine / Without you / I'd be allright". "Queenie the doggie" est un hommage à un chien disparu – on est proche du "Old king" de Neil Young ("Harvest moon", 1992). La mort rôde. Malgré un côté naïf et primesautier, assez "art brut", Johnston habite un puits de solitude.
Le disque est de plus en plus tourmenté, agité par de sombres visions et la sensation de perte de repères ("Lost in my infinite memory", "I've lost my mind"). La musique se fait plus lancinante, les guitares plus dures : "Is and always was" est sacrément tendue, avec une réverb sur la voix en début qui fait penser aux Beatles de "Strawberry fields forever". Cette deuxième partie d'album impressionne vraiment : débitées d'une voix stressée, les phrases tombent. "I'll never fall in love again". "I just can't win" . "I love you all but I hate myself". La sensation de force qui s'en dégage est peut-être artificielle, dopée au studio, mais c'est tout sauf du rock'n roll de pacotille... Les récents extraits vidéo ci-dessous permettent de se rendre compte de l'impact émotionnel énorme du personnage.

Longue et aérée, "Light of day" prend le contre-pied des quelques titres ébouriffants qui précèdent. Daniel Johnston y est totalement béat devant un amour trouvé... et perdu. Coincé dans son monde de super-héros et de super-vilains, ce grand garçon fragile en mal d'amour trouve encore la force d'y croire. "True love will find you in the end".



DANIEL JOHNSTON Fake records of rock'n roll (Live in New York, 14/10/09)



DANIEL JOHNSTON Is and always was (Live in New York 14/10/09)