En Vogue - Best of 1962-1967

Françoise Hardy

par Francois Branchon le 07/01/2025

Note: 9.5    

La France du début des années soixante est sous une chape de plomb coulée dans le puritanisme provincial, le refoulement et l'ordre moral. Musicalement elle n'est guère mieux, partagée entre le "music-hall" version Chevalier et la Rive Gauche version Ferré-Gréco. Mais sa jeunesse frétille.

Hormis quelques privilégiés habitués des disquaires pointus parisiens ou habitant près des bases américaines (avant que De Gaulle ne les foute dehors avec fracas), les autres ignorent tout des chansons anglo-saxonnes et doivent se contenter du filtre malin tendu par les maisons de disques françaises, qui font enregistrer des traductions à leurs perroquets maison (Hallyday, Vartan, Rivers, Mitchell ou autre consternante Sheila de la vague dite yéyé). 

Une maison de disques se pose résolument hors de cette combine, Vogue, du président Léon Cabat et du directeur artistique Paul Claude. Mot d'ordre : aucune adaptation anglo-saxonne, uniquement des créations. La première à être signée en 1962 est Françoise Hardy, tout juste aperçue jusque là au Petit Conservatoire de Mireille. Suivront plus tard, selon la même logique deux autres "inclassables", Antoine et Jacques Dutronc, puis Clothilde, Benjamin, Sullivan, Karine, Cléo, Jean-Bernard de Libreville... restés eux au stade de trésors cachés.

Certes, au début, Françoise sera encadrée musicalement par l'orchestre maison des studios Vogue de Villetaneuse sous la direction du consternant Roger Samyn, dont les arrangements plus que légers flirtent avec l'inexistant et l'erreur d'orchestration. Hardy dira avoir en horreur ses disques de cette période, écouter "Oh oh chéri" ou "Le temps de l'amour" conforte ce jugement. 

Mais le succès inopiné et massif de "Tous les garçons et les filles" va changer sa situation et lui donner la liberté. Et comme son collègue Richard Anthony chez Pathé Marconi elle va filer enregistrer  à Londres, capitale musicale du monde, se faire produire par Charles Blackwell ou Micky Jones (futur Foreigner) et Tommy Brown, qui donneront un écrin plus pop à ses compositions. Les perles vont alors s'égrener les unes après les autres, régulièrement enregistrées en allemand et en italien. Vogue essaiera aussi les Etats-Unis, mais, bien que distributrice en France de grandes maisons américaines (Warner, Elektra, Scepter, Reprise...) elle ne parvient à sortir "The yeh-yeh girl from Paris" que sur Four Corners of the World, minuscule label indépendant spécialisé en 'folklores du monde' (!).

Ce magnifique double album hommage publié suite à sa disparition cette année synthétise ses années Vogue, de 62 à 67. Y sont rassemblés tous les titres incontournables, et même si l'on aurait souhaité l'ajout de quelques trésors cachés à nos oreilles incontournables ("Peut-être que je t'aime", "Tu ressembles à tous ceux qui ont eu du chagrin"...), l'objet - et sa pochette d'une grande pureté - est évidemment incontournable.


(Existe aussi en CD)


FRANCOISE HARDY Je veux qu'il revienne (TV 1965)



FRANCOISE HARDY La nuit est sur la ville (TV Figue et Raisins 1965)