Dreams interrupted - The bewilderbeat years 1978-1980

Glaxo Babies

par Emmanuel Durocher le 10/04/2007

Note: 8.0    

On n'a pas fini le décompte des groupes qui ont démarré ou se sont rencontrés grâce au Velvet Underground, des Buzzcocks à The Jesus and Mary Chain en passant par Joy Division, Taxi Girl et bien d'autres. Il faut maintenant y inclure les méconnus Glaxo Babies. A l'automne 1977, année cruciale, Rob Chapman recherche à Bristol des musiciens et place une annonce dans le NME pour "reprendre les choses là où le Velvet les avait laissées", déclaration pas très modeste qui lui permet de faire la connaissance de Tom Nichols et Dan Catsis (ex-Pop Group). Célèbre plus tard, dans les années 90, comme capitale du trip hop (Massive Attack, Portishead) et résidence du charmant label Sarah Records, Bristol était en ces années-là le siège d'une foisonnante scène post-punk (cf la compilation "Avon calling" de 1979, ressortie l'an dernier et chroniquée ici), une époque où les groupes issus du "no future" se cherchaient un avenir. Parmi eux, les Glaxo Babies. Ils ne laisseront que peu de traces dans les mémoires, malgré une poignée de singles à la fin des années 70, un album prometteur en 80 ("Nine months to the disco") ainsi qu'une collection de raretés, brillante, la même année ("Put me on the guest list"). Un répertoire qui a permis à Cherry Red (spécialiste en archéologie musicale) de compiler vingt morceaux avec suffisamment de corps, d'énergie et d'originalité.

On n'a pas fini de découvrir à quel point le prénom Christine a pu inspirer d'excellents titres, de Siouxie and the Banshees à House of Love en passant par les discrets Sea Urchins. En écoutant les Glaxo Babies, on éprouve un plaisir jouissif et morbide en compagnie de "Christine Keeler" (la muse de l'affaire Profumo) mais on ne s'arrêtera pas là car il faut explorer tous ces titres qui révèlent la fraîcheur et l'inventivité du groupe, recyclant l'urgence du punk et l'innovation de la new wave en y ajoutant parfois des rythmes funky et des touches jazzy comme pour rappeler ce qui ce faisait de mieux des deux côtés de l'Atlantique. La première partie de "Dreams interrupted" ("Burning", "Who killed Bruce Lee", "Flesh", "Police state"…) donne par moment le vertige, on assiste à la rencontre entre les sonorités métronomiques et épileptiques de Wire et le psychédélisme noir du Velvet Underground (encore eux), comme si une banane était imprimée sur un drapeau rose… mais on peut aussi entendre les guitares acides de Television s'accorder avec la basse de Joy Division ("Avoiding the issue", "Stay awake", "It's irrationnal"…), le groupe semble même s'arrêter de faire du sens sur "Nova bossa nova" à la manière des Talking Heads et se lâche dans du free jazz ("Seven days") ou du punk funk qui rappelle fortement celui de A Certain Ratio en particulier sur "Maximal sexual joy" ou "Shake (the foundations)", une sorte d'hommage à "Shaft".

On n'a pas fini de d'écouter les petites merveilles que recèle cette compilation (malgré un son qui n'est pas toujours à la hauteur), génial fourre-tout arty sans prise de tête dont les héritiers se retrouvent, consciemment ou non, chez Block Party, les Rakes ou encore The Rapture.