Burgers

Hot Tuna

par Francois Branchon le 08/02/2003

Note: 10.0    

Après deux albums "capturés live", quand Hot Tuna n'était que le groupe de scène récréatif de Kaukonen et Casady pour oublier dans le blues chéri la fin chaotique de Jefferson Airplane, "Burgers" est le véritable premier album du nouveau groupe, en studio, qui parait après la désintégration de l'Avion. Le duo s'est adjoint le batteur Sammy Piazza et en deuxième instrument harmonique, le violoniste noir Papa John Creach.

La photo de pochette - les quatre dans une bagnole des années quarante sur une plage californienne au soleil couchant - fut instantanément, et pour tous, le premier indice d'un bonheur retrouvé, la preuve instinctive d'une force mêlée de béatitude. Mettre l'album fébrilement sur la platine ne fit que confirmer : on se fit proprement propulser au plafond pour y rester scotché des heures, que dis-je des mois ! Car Kaukonen est le maître à bord, ses musiciens, ou plutôt ses complices, pigeant parfaitement où il veut aller. Une liberté qui donne des ailes à sa créativité. De cette époque datent ses meilleurs morceaux, "Burgers" balance dans le ciel une belle brassée d'étoiles, elles y brillent toujours.

Débutant par l'enlevé "True religion" qui ne laisse planer aucun doute sur la nature des cocktails ("take one pill over my head"), "Burgers" se trame de blues, mais ce n'est qu'un prétexte, car aussi bien Kaukonen - virevoltant aux guitares et au chant - que Casady - aux commandes d'un son monstrueux déjà atteint à la fin de l'Airplane (le tonitruant "Trial by fire" sur "Long John Silver") - le transcendent, le triturent, avec les vieilles formules magiques des temps les plus acides. Kaukonen retrouve tous ses accents airplaniens ("Highway song", "Water song", "Sunny day strut", "99 year blues"...), Casady entre dans les morceaux comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, mais chaussé de ballerines ("99 year blues"). La reprise de "Keep on truckin" de Bob Carleton permet d'aller faire un thé et d'en rouler un autre, histoire de récupérer de "Sea child", la mise en orbite centrale et définitive : "Sea child" ! Un morceau aux couplets anecdotiques, où le classique solo devient une construction quasi symphonique pour les guitares. Des guitares en mille feuilles, en figures rythmiques et entrelacs mélodiques qui se mêlent, s'entremêlent, se décalquent, se jouent des échos, des réverbs, des wah-wah, soutenues par une rythmique de plomb et survolées par une voix d'outre-sinus d'anthologie.

Assurément un des chef d'œuvres du père Jorma, apocalypse d'un disque parfait.
Hé, en se serrant un peu, y'aurait pas une petite place sur la banquette arrière ?


HOT TUNA Sea child (Audio seul)