En concert à Bercy

Hubert-Félix Thiéfaine

par Francois Branchon le 05/11/1999

Note: 5.0    
Morceaux qui Tuent
La ballade d'Abdallah Geronimo Cohen


Hubert-Felix Thiéfaine est une énigme. Totalement absent des médias (radios, tv, presse), il peut pourtant se targuer de salles de concerts remplies dans la France entière. Grand vendeur de disques, il n'apparaît dans aucun classement de vente (mais on sait là depuis longtemps que ceux-ci reflètent des instantanés et non des cumuls sur la durée - sinon le "Bolero" de Ravel serait numéro un à vie !).

Hubert-Felix Thiéfaine est donc une énigme, cependant loin d'être insoluble. Sa musique est conçue pour ratisser large : un peu de Noir Désir, de Bashung, de François Béranger, de Jacques Higelin, le tout mixé light sans trop de caractère, avec pour rafler la mise une guitare héroïque très seventies ne dédaignant pas l'esbroufe (réglages sur le son "hard") et des ambiances briquets interminables. Avec ça, en France, on peut effectivement faire du monde.

Les textes lorgnent par moments vers ceux de Bashung, mais sans leur humour, ou alors assortis de jeux de mots redoutables ("t'es black et d'équerre", "si ça continue, faudra que ça cesse"... ), d'argot parisien vaguement Audiard ("Maison Bourniol") ou de rage à la Noir Désir, mais sans l'engagement politique intransigeant et sans bavure qui donne jus et sens au groupe de Bertrand Cantat (on se demande aussi quelle idéologie peut bien rôder derrière "Vous êtes invités à laisser l'État dans les WC où vous l'avez trouvé"...? ). La fin du deuxième Cd atteinte, le soufflé a fini de se boursoufler, comme un remake d'une super production à la Hallyday (le consternant "Orphée nonante nuit").

Heureusement, quelques éclairs ont apporté un peu de lumière : "La fille du coupeur de joints", "Cancoillotte" (folklore franc-comtois), "Exil sur planète fantôme", un country-rock-blues à la Z.Z. Top pépère, "La ballade d'Abdallah Geronimo Cohen", ballade country, intégrationniste et cette fois sans reproche, le poétique "Les dingues et les paumés" et ses références au chant de Maldoror de Lautréamont (mais sur un tout autre registre que la version hallucinée proposée par Philippe Léotard à Bataclan !) et enfin la belle mélodie et le joli riff de "Méthode de dissection du pigeon à zone-la-ville", mais dommage qu'il s'agisse là d'un plagiat de "En plein cœur", très belle chanson de l'oubliée Jeanne-Marie Sens (1975).

Six morceaux sur trente-trois, c'est un peu court. Hubert-Felix Thiéfaine joue finalement trop souvent de la variété déguisée en rock, une posture qui, nonobstant un capital sympathie évident, le rapproche plus d'un Hallyday que de Noir Désir, comme en son temps les pauvres Téléphone étaient eux aussi plus proches du même Johnny que des Rolling Stones dont ils se prétendaient les cousins.