En 1978 Jethro Tull est un groupe
installé, une assemblée de notables qui peuvent s'afficher en
smoking et nœud papillon ou en gentlemen farmers - qu'elle est loin la
première apparition en haillons au Festival de Sunbury en août 68 !
- et dont l'immense savoir-faire suffit à masquer la maigre
inventivité des albums d'une décennie qui s'est artistiquement
arrêtée en 1972 avec le Lp "Thick as a brick".
Même
si ce "Heavy horses" de 78, leur onzième Lp - curieusement
dédié à toutes les races de chevaux et poneys du Royaume-Uni -
reprend une thématique folk que les albums "Too old for
rock'n'roll", "Minstrell in the gallery" ou "War
child" avaient laissé de côté, il peine - à part le titre
éponyme et le très Branduardien "Moths" - à charmer par
une mélodie qui entrerait immédiatement dans la tête pour ne plus
en sortir, quand quelques années plus tôt, un "Benefit"
(1970) tapait dans le mille du début à la fin.
Mais pour
célébrer les quarante ans de "Heavy horses", le label
Chrysalis, probablement conscient du manque de matière met ce petit
plat dans un beaucoup plus grand, un coffret luxueux de trois Cd,
dont deux proposent le concert complet de Berne produit par Claude
Nobs en mai 1978. Et si le Tull des seventies finissantes n'a plus
non plus tout à fait la même gueule sur scène - il ne joue
notamment plus la mythique suite "Dharma for one" - , il
reste cependant une belle bête animée par Ian Anderson, la guitare
de Martin Barre, les claviers de John Evan et la batterie de
Barriemore Barlow. Une fois la nécessité promotionnelle évacuée
- elle est minimale : trois petits morceaux de "Heavy horses"
- Jethro Tull propose un florilège - "A new day yesterday",
"Sweet dream", "Skating away", "Living in
the past", "Bourrée" en épilogue du solo de flute,
"Aqualung" et "Locomotive breath" en inévitables
rappels, et en réacteur central, un quart d'heure de "Thick as
a brick". Un concert de près de deux heures, dense et riche, avec quelques
bavardages parfois, mais la magie opère encore.
En cerise sur le pudding, le
coffret offre une poignée de bonus - les associated recordings
- ainsi que deux Dvd, un Dvd audio (l'album "Heavy horses")
et un Dvd vidéo (le concert de Berne, accompagné de footage). La
New shoes edition, ou comment transformer un album assez
moyen, dédié aux Highlands, Welsh Mountains, Shetlands, Fells,
Dales, Clevelands et autres braves poneys régionaux en objet de
curiosité nécessaire à la collection.
Remarque pour 2018 :
Jethro Tull célèbre ses cinquante ans cette année par une
reformation et une tournée mondiale passant par de grandes
salles fort chères. En fait de reformation, Ian Anderson a laissé
de côté tous les membres originaux pour s'entourer d'un tribute
band. Vous avez dit foutage de gueule ?