Dig a hole in that substrate and tell me what you see

Jim White

par Jérôme Florio le 23/07/2004

Note: 7.0    

"Perce un trou dans ces fondations et dis-moi ce que tu vois" : le titre du disque de Jim White est une invite à plonger à l'intérieur de son cerveau, pour y débrouiller quelques interrogations intimes. Qu'y voyons-nous ?

Ô surprise, des "chansons" : le terme est précautionneusement entouré de guillemets par White lui-même. La structure couplet-refrain est laissée sur le bord de la route, les durées s'étirent sans effort au-delà des cinq ou six minutes, ce qui lui laisse le temps d'explorer ses états d'âme dans ce qui s'apparente davantage à des ruminations, des monologues intérieurs – heureusement pour leur auteur moins malades que ceux écrits par William Faulkner.
Et d'âme il est souvent question : Jésus et Dieu sont fréquemment pris pour témoin des efforts de Jim White pour mettre de l'ordre dans sa vie. Dès "Wrong-eyed Jesus", son premier disque paru en 1997, l'élément religieux était omniprésent. Il ne l'est pas moins ici, mais il est comme dilué, harmonieusement intégré au cœur des chansons : un fin fil rouge plus qu'une grosse ficelle (les voix gospel-soul de "Combing my hair in a brand new style"). Au fond, ce n'est qu'une donnée supplémentaire du problème.

Pour aider Jim White à creuser, quelques amis qui ont un sacré coup de pelle : Aimee Mann, les Barenaked Ladies, Mary Gauthier (prononcer "go-shay") aux chœurs ; et surtout Joe Henry à la mise en sons. Producteur et musicien estimé, il était déjà aux manettes du beau disque de come-back de Solomon Burke, "Don't give up on me". Autour de la country-folk de White, il construit une ambiance bluesy atmosphérique, un son à la fois équilibré et marécageux, éclairé d'une lumière tamisée. Un climat laid-back domine, assuré par des musiciens de la qualité de Bill Frisell (guitare sur un titre), Tucker Martine et Eyvind Kang (garde rapprochée de Laura Veirs sur le récent et superbe "Carbon Glacier"). En si bonne compagnie, Jim White n'a qu'à se laisser aller, sans forcer – au risque de s'assoupir en chemin ("Objects in motion").

Le chemin a dû être long et solitaire, sur les routes des USA sur lesquelles White s'est volontairement perdu pour mieux se retrouver. Avec la religion pour véhicule (la fable "If Jesus drove a motorhome"), on traverse l'Amérique des motels, des lieux anonymes comme ces campements de mobile-homes (les "trailer parks"). Mais jamais Jim ne verse dans le "White-trash", il reste centré sur lui-même. On se repère sur la carte grâce à des sons : guitare sudiste et rap redneck ("Alabama chrome"), des touches jazz, des chœurs country vaporeux. Ils redessinent un territoire vaste et unifié, redonnant sens aux mots "Etats-Unis d'Amérique".

"Borrowed wings" suggère que l'Enfer est tout proche. Le salut peut se manifester sous diverses formes : un enfant (vraisemblablement le sien) sur "Bluebird" ("salvation wears a thin disguise"), une fille de Brownsville, Texas… "It's our sweetheart that pays" : à la fin, il reste encore quelque chose à expier.