Mileage

John Hammond

par Francois Branchon le 23/11/2003

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
It hurts me too


Ça fait bien une quarantaine d'années que John Hammond tape le blues, premier album en 1962 quand il traînait avec les folkeux de Greenwich Village, dernier paru en 2001, "Wicked grin" produit par Tom Waits. Entre temps, plus d'une trentaine, toujours en bonne compagnie (Mississippi John Hurt, JJ Cale, Duane Allman, Dave van Ronck, Dr John, Mike Bloomfield...), au nombre desquels ce "Mileage" de 1980, enregistré à New York avec Charles Otis (Batterie), Sherman Holmes (basse) et les pianistes Bob Montalto et Robbie Kondor.

Aujourd'hui tous les amateurs de blues connaissent Robert Johnson, l'homme à la trajectoire romanesque. Mais dès les années soixante, John Hammond fut un des rares à s'acharner à le populariser, le reprenant systématiquement, au point d'y gagner le surnom de "Johnson blanc". Deux de ses reprises figurent sur "Mileage" : "Give me a 32-20" et "Hot tamales", au cœur d'une dizaine d'autres, de Willie Dixon ("My babe", "Seventh son"), Leroy Carr ("Big 45"), Chester Burnett ("Riding in the moonlight"), Big Joe Williams ("You'll miss me"), Jimmy Reed ("Mr luck"), McKinley Morganfield aka Muddy Waters ("Standing around crying") et Bo Diddley ("Diddley daddy").

La musique de John Hammond est scrupuleusement fidèle aux canons du blues, un homme et sa voix, une guitare, un harmonica. Les musiciens occasionnels - un pianiste, un bassiste, un batteur - ne servent qu'au décor et si la voix trahit la blancheur de peau (une voix qu'a dû bien écouter l'irlandais Rory Gallagher), ce n'est qu'une histoire de forme, tant Hammond est "dans" le blues, semblant "possédé", très différent d'un Kaukonen, beaucoup plus "extérieur" même si également authentique dans son amour des douze mesures. Parfois joyeusement récréatif (le coloré boogie calypso de "Diddley daddy" de Bo Diddley), c'est le temps d'un "You'll miss me" ou (surtout) d'un "It hurts me too", que John Hammond atteint sa plénitude, seul avec son dobro et sa voix étranglée.