Love me

Johnnie Ray

par Jérôme Florio le 26/09/2008

Note: 9.0     

Je suis prêt à parier que Nick Tosches, l'auteur de "Unsung heroes of rock'n roll"**, a de la sympathie pour Johnny Ray (1927-1990), qui a connu le succès au début des années cinquante (27 singles classés dans les charts entre 1951 et 1957), avant d'être balayé sans pitié par la vague rock'n roll.

"Johnny Ray he's always crying", c'est Billy Idol qui le dit dans "Don't need a gun" (1987) : Ray était paraît-il presque sourd, et il fallait au moins ça pour résister à sa voix incroyable, véritable attentat perpétré aux glandes lacrymales. Signé sur Okeh, la branche R&B de Columbia Records, Johnny décrocha un tube en 1951 avec "Cry". Sa notoriété lui a alors valu d'enregistrer des duos avec des stars de l'époque, Frankie Laine et Doris Day. Quand au style, il utilisait sans modération sa voix puissante : quand Johnnie Ray chantait, tout était dans le rouge. Romantisme exacerbé, détachement maximal des syllabes, tout était bon pour provoquer une réaction émotionnelle extrême - écouter "Mountains in the moonlight" ne peut pas laisser indifférent. Les cinq titres captés en live qui clôturent cette compilation témoignent de l'hystérie des "bobby soxers", ces adolescentes en chaussettes courtes qui pétaient aussi  les plombs aux concerts de Frank Sinatra, et qui se tourneraient bientôt vers Elvis Presley.

Le look de bon garçon gominé et cette espèce de kitsch américain fifties nous emmènent aujourd'hui loin de Johnnie Ray. On peut trouver un passeur en la personne de David Lynch, dont l'imaginaire est particulièrement affecté par cette époque, il l'a montré par exemple dans "Blue velvet" (la chanson de Bobby Vinton, un peu plus tardif que Ray). Toute remarque générationnelle mise à part, on est face à un interprète étonnant, dont la violence dans l'expression des sentiments étonne et rafraîchit.


** "Héros oubliés du rock'n roll", une passionnante et hilarante galerie de portraits, disponible en Livre de Poche.


JOHNNIE RAY & The FOUR LADS The little white cloud that cried (audio)