Party animals & disco biscuits

Kid Loco

par Emmanuel Durocher le 25/11/2008

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
Oh Lord !
Motorcycle angels
Pretty Boy Floyd
10:15
The specialist

spiraleEcouter


Alors que les survivants de la vague électronique française des années 90 (le fumeux concept de "french touch") époussètent comme ils peuvent les trophées d'une gloire passée – réédition anniversaire pour Air, live pharaonique chez Daft Punk, Cassius à la recherche désespérée du "Pansoul" de Motorbass – on avait presque oublié l'existence de Jean-Yves Prieur, cofondateur du label alternatif Bondage et de son alias électronique Kid Loco responsable de deux gigantesques albums passés par trop inaperçu : l'hypnotique "A grand love story" en 1997 et le sensuel "Kill your darlings" en 2001, mais aussi coupable de remixes audacieux dont l'enveloppe lounge ne laissaient indifférents que ceux qui ne prenaient pas la peine de l'ouvrir pour en découvrir les merveilles insoupçonnées (les versions des Pastels ou de Mogwai étaient tout simplement bouleversantes). Depuis, plus de nouvelles du Kid de Belleville... (Qu'est–ce que je pouvais lui en vouloir ce jour où il s'est assis à coté de moi dans le ligne 11 du métro, je désirais tellement lui dire de se magner le train mais il n'en a jamais rien su étant donné que je n'ai pas eu le courage de lui adresser la moindre parole).

Mais tout se pardonne dans les vapeurs sonores de "Party animals & disco biscuits" qui s'inscrit comme un grand album de pop électronique et psychédélique. En passant de l'autre coté du micro, Kid Loco conjugue un véritable talent d'écriture avec des mots qui sonnent terriblement mystiques – un paradoxe pour cet athée de la Commune de Paris – et des sons qui naviguent entre vérité organique et évidence électronique à travers un équilibre mélodique nimbé d'un sentiment diffus de nostalgie.

Le Français joue avec ses héros et ses démons, de Syd Barret à Cure en passant par Iggy Pop ou John Lennon – dont le dernier morceau "The time of our lives" possède un écho très "Imagin"aire. Les amateurs de la première heure retrouveront leurs repères avec les mélodies lancinantes, insidieuses et presque statiques de "Pretty Boy Floyd" et "Oh Lord" ou dans le synthé convulsif et les éclats électroniques décharnés de "Motorcycle angels". Des titres apparaissent comme des réécritures à contretemps de musique de films – "Hijack blues #9" et "Theme from the graffiti artist" (à l'origine la BO d'un film de James Bolton) – alors que d'autres ramènent trente à quarante ans en arrière : "Love is all around", son moog et ses deux voix qui naviguent aux confins du blues et du funk, "10:15", hymne hippie volage qui confronte Cure au gospel, "Confessions" aux sonorités extraterrestres et extralucides et "The specialist" qui veut tout simplement prendre le contrôle du coeur du Soleil à la manière du Pink Floyd.

Peu productif mais grand producteur, presque prédicateur mais pas encore reproducteur (ses héritiers ne se sont pas encore manifestés), Jean-Yves Prieur déroute aussi bien ses admirateurs que ses détracteurs qui se trouvent bien obligés de prendre la (Kid) locomotive en marche avec ses horaires complètement aléatoires. Une machine autiste, autonome et automnale qui, une fois de plus, se réinvente en plein mouvement.