Gonna take a miracle

Laura Nyro

par Jérôme Florio le 06/01/2004

Note: 8.0    

Deux ans après le dépouillé et pointilliste "New-York tendaberry" (1969), on pouvait s'attendre à ce que Laura Nyro poursuive le chemin entamé dans la remise en cause de l'écriture et l'interprétation de ses chansons, qui sont un mélange assez singulier de jazz, rythm'n blues et d'orchestrations à fouler les planches de Broadway.
Or c'est tout le contraire : on n'est qu'en 1971, et on sent déjà poindre chez la jeune Nyro – 25 ans - la nostalgie du doo-wop ("I met him on a sunday") et des girl-groups qui ont bercé son adolescence, à New-York, dans le Bronx. De la musique noire : "Gonna take a miracle", son quatrième disque, est uniquement constitué de reprises de standards signés Smokey Robinson, Curtis Mayfield, Marvin Gaye, les équipes Holland/Dozier/Holland, Ashford/Simpson…

Laura Nyro ne faisait forcément pas un choix très commercial en impliquant Patti LaBelle, qui avait connu des jours meilleurs au début des années soixante - bien avant le retour de flamme de "Lady marmelade". Mais ce qui importe ici, c'est de se retrouver en toute simplicité autour de quelques chansons que l'on connaît par coeur, et de dégager de la spontanéité en privilégiant les premières prises : au début de "Jimmy Mack", on entend Nyro tester le micro, chuchoter "Jimmy…" avant de se lancer.
L'association avec le trio LaBelle (Patti LaBelle, Nona Hendryx et Sarah Dash) aux chœurs marche plutôt bien : sur tout le disque, elles font un beau travail d'expérience, pro et subtil. Tout est bien en place, tout le monde trouve ses marques sans forcer : "The bells" dégage une belle volupté, très cool; "Desiree", une chanson moins connue, est dans le même registre fondant. Dans un registre plus uptempo, l'humeur radieuse de "Jimmy Mack" respire les bonnes vibrations ; le groove trop lâche, pas assez claquant, de "You've really got a hold on me" et "Nowhere to run" jure un peu.
La production a du volume, ronde et équilibrée : Kenny Gamble et Leon Huff seront quelques années plus tard à l'origine du "Philly sound", le son de Philadelphie, notamment incarné par les O'Jays, ou Harold Melvin and the Blue Notes.

Toutes ces reprises ont un air d'inventaire avant liquidation : en 1974, Laura Nyro se retirera du music-business pour aller vivre plus chichement en Nouvelle-Angleterre. Un itinéraire que suivra aussi plus tard Carole King, qui triomphait dans les charts avec "Tapestry" à l'époque de "Gonna take a miracle". Nyro ne connaîtra jamais le même succès : mais, pas jalouse, cela ne l'empêche pas de reprendre en concert "(You make me feel like) a natural woman" et "Up on the roof", que l'on peut entendre en titres bonus.