New York tendaberry

Laura Nyro

par Jérôme Florio le 04/11/2003

Note: 7.0    

Après le succès en demi-teintes de "Eli and the thirteenth confession" (pourtant un excellent disque, sorte de "Pet sounds" de la "blue-eyed soul" - la soul blanche), Laura Nyro mettra un an à venir à bout de "New York tendaberry", publié à l'automne 1969. Ce sera son seul succès commercial, qui culminera à la quarantième place dans les charts : curieux pour un disque finalement assez difficile d'accès.

Lors d'une première session d'enregistrements, elle s'entoure d'une armada de musiciens, dans la lignée de "Eli" ; insatisfaite, elle jette tout à la poubelle. Placé ici en bonus, "Save the country", single rescapé de ces sessions, paraît en octobre 1968 : la comparaison avec la version qui se retrouvera sur "New York tendaberry" fait mesurer le cheminement parcouru par Laura Nyro. Assistée de son arrangeur Jimmie Haskell, elle remet totalement en question ses choix de départ, et décide d'en prendre le contrepied total : radicalisant le travail entamé sur "Eli and the thirteenth confession", elle réenregistre toutes ses compositions en s'accompagnant uniquement au piano, laisse libre cours à ses divagations, étire les durées, accélère et ralentit à volonté le tempo. Un vrai casse-tête pour les musiciens invités à jouer sur l'album.

"New York Tendaberry" est aussi un hommage à New York. On est loin des ambiances interlopes, des éclairages sombres et stridents qu'en donne Lou Reed : Laura Nyro a une approche de la ville plus impressionniste. On apprend qu'elle dictait ses idées d'arrangements en termes de couleurs - du rose par-ci, du bleu clair par-là : des lambeaux de chair qui habillent une folk-soul complètement désossée, remplissant les vides laissés par la voix et le piano. Sur "You don't love me when I cry", les arrangements de flûte et de harpe apparaissent dix-sept secondes montre en main, pour s'évanouir aussitôt ; la première moitié de "Save the country" est totalement privée d'orchestrations. A cet endroit, c'est un harmonica qui vient souffler quelques secondes, là-bas un orgue ; quelques mesures de rythmique sont placées parcimonieusement. "Mercy on Broadway" est plus arrangée : pour le reste, l'attention se relâche par manque de repères, et aussi à cause des maniérismes vocaux de Nyro, un peu trop en liberté. Comme les enseignes lumineuses qui clignotent dans les rues de New-York, la magie opère par intermittence, sur des bouts de chanson : les cloches au début de "Gibsom street", la trop courte envolée au milieu de "Sweet lovin' baby", un soulignement furtif de cordes sur "Tom Cat blues". C'est dommageable à une très bonne chanson comme "Captain for dark mornings", qui aurait pu figurer sur "Eli".

Par rapport à la production de l'époque, l'approche artistique de Laura Nyro était inédite et singulière pour un disque de pop. Mais malgré cela, je ne suis jamais parvenu à rentrer complètement dans "New York Tendaberry", bloqué sur le pavé à la porte de la grosse pomme.


LAURA NYRO Save the country (Live)