1973 : Led Zeppelin
est au sommet de sa gloire, universellement catalogué plus grand
groupe du monde et des environs (The Police et U2 prendront ensuite
cette relève-là dans la presse mondiale). Mais quand on est au
sommet, le risque est de dégringoler, et lors de cette tournée
gigantesque - par le nombre de dates, la durée des shows, l'alcool
ingurgité, les bringues perpétuelles, la débauche de moyens et
d'effets - Le Zep prend les risques de passer du grandiose au
ridicule des egos démesurés.
"The song
remains the same" est un film voulu par Jimmy Page pour laisser
une trace de la tournée de 73, mais capter un concert ne suffisant
pas ou s'avérant trop banal, Page souhaita le parsemer de séquences
filmées, sur chacun des membres, intégrées aux morceaux et censées
les illustrer, avec l'obligation d'être délirants et
psychédéliques. La production de ce film fut si compliqué (choix
des morceaux au sein de prestations scéniques très moyennes,
conflits sur les choix des scénarios à filmer, insatisfaction des
premiers résultats, valse des réalisateurs...) que le film ne fut
terminé et publié qu'en...1976.
Ce fut la fin de la
tournée, en juillet 73, avec les trois soirs au Madison Square
Garden de New York qui fut choisie. Par prudence, les trois furent
filmés (et les musiciens prévenus d'avoir la même tenue de scène
à chaque fois). La compilation donna un concert acceptable, Page
disant même plus tard que ces concerts new-yorkais n'étaient pas
leurs meilleures prestations, ni les pires, juste médiocres (sic).
Cela n'empêcha pas le film d'être un bon succès commercial, comme
le double Lp vinyle qui sortit parallèlement.
Le double album fut
remixé et réédité en 2007 avec quelques ajouts, mais Rhino sort
cette fois-ci le grand jeu avec une réédition Super Deluxe (4 Lp, 2
Dvd , 2 Cd), dans laquelle figurent le film (bonifié par nombre de
footages, où le manager grande gueule Peter Grant tient la vedette)
et les concerts, réintégrant des morceaux écartés en 1976.
"The song
remains the same" restera pour toujours l'occasion ratée de
garder une belle trace scénique de Led Zeppelin (heureusement, nous
avons eu en 1997 les BBC Sessions). Les morceaux sont souvent
beaucoup trop longs, "Dazed and confused" et ses 29 minutes
(dont la moitié emmerdantes) sur une face entière de vinyle dans ce
coffret, "Moby Dick" et son interminable solo de
batterie... Les musiciens sont émoussés et concernant Robert Plant,
il surjoue à l'extrême l'attitude sexuelle (proche d'une drag-queen
parfois, voire quasi porno) et surtout, où sont passés les quatre
octaves qui faisaient sa force ? Le constat est parfois flagrant,
"Rock and roll", "Celebration day"...
Le nouveau mixage
offre cependant un son meilleur et plus puissant ("The song
remains the same") et les meilleurs moments historiques y
trouvent une nouvelle vigueur, ainsi "The rain song", bien
meilleur que sa version originelle studio sur "Houses of the
Holy", "No quarter" autre bon moment - mellotron de
John Paul Jones très présent - et l'inévitable scie "Stairway
to Heaven", que chacun à New York attend et qui ne déçoit
pas, même si Plant y est parfois agaçant et Page un peu expéditif.
Revoir le film permet de trouver le temps un peu moins long sur les
morceaux qui s'étirent, et on peut alors s'amuser à posteriori des
thématiques des petites séquences filmées, souvent axées sur une
heroic fantasy au premier degré : Page en ermite ("Stairway
to Heaven"), le preux chevalier John Paul Jones sauvant sa
dulcinée ("No quarter"), le viking Plant abordant une
terre inconnue ("The song remains the same"), Peter
Grant en Al Capone (Intro)...
Malgré ses défauts
"The song remains the same" reste un témoignage.
Cette magnifique réédition Rhino, avec Jimmy Page à la réalisation
technique, comblera à l'évidence les amateurs de Led Zeppelin.
LED ZEPPELIN No quarter (Live 1973 Madison Square Garden NY)