... Xyz

Moose

par Emmanuel Durocher le 06/10/2009

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Soon is never sonn enough
little bird
This river will never run dry
Suzanne

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Le mieux est de débuter par la fin, c'est-à-dire le commencement : ces bonus permettant de découvrir le chemin parcouru entre les premiers maxis (dont on retrouve un bon nombre de morceaux ici) et "...Xyz", album annonciateur d'une carrière houleuse et injustement ignoré du grand public.

Tout est allé très vite au départ, Russel Yates et Kevin McKillop - une bière canadienne, la Moosehead, a donné son surnom à ce dernier - bossent dans un magasin de disques de Nothing Hill Gate et gratouillent dans un coin pour leur plaisir. Comme par magie, les contrats et les premières parties tombent du ciel, les poussant à enregistrer à la hâte des titres dans un registre noisy-grunge bien dans l'air du temps. Les ébauches sonnent comme du Slowdive au masculin mais à travers "Jack", "Suzanne" et surtout l'épuré "This river will never run dry", on devine le duo à l'étroit dans ce cocon bruitiste. Une légende voudrait qu'un journaliste anglais ait imaginé le terme de shoegazing après avoir vu le groupe en concert. Cette appellation permettaient de parquer une ribambelle de formations britanniques cachées derrière de grosses guitares et une timidité excessive. Une image tenace qui va coller au groupe et le desservir pendant pas mal de temps.

Il a fallu une année pour que la chenille bougonne devienne un papillon multicolore. "...Xyz" sort à l'automne 1992. Un atout de poids est venu s'immiscer à cet album : Mitch Easter - responsable du son du "Murmur " et du "Reckoning" de REM - était un des rares producteurs capables de mêler des instruments classiques aux grosses guitares, ce qui en étonnera certains et en détournera d'autres.

Les deux musiciens - accompagnés du bassiste Lincoln Fong - décident de se libérer du poids de leur époque : les nappes brumeuses des guitares distordues deviennent aériennes et psychédéliques ("High flying bird", "Screaming", "Xyz") et le brouillard va progressivement s'éclaircir pour laisser la place aux violons ("Sometimes loving is the hardest thing") ou aux guitares folk ("Don't bring me down"). Fait rare sur un disque de cette période, le soleil ose enfin briller : on entend des sifflements à travers le bocage anglais ("The whistling song"), on ose fredonner sans honte des vieux tubes (la reprise de "Everybody's talking" de Fred Neil plus connue dans la version de Harry Nilsson), on se met à rêver de vieilles comédies musicales de Vincente Minelli ("I'll see you in my dreams"), on se surprend à pousser la chansonnette avec une copine sur le sublime "Soon is never soon enough" gavé aux guitares et au piano malades (la copine en question - inconnue à l'époque - n'étant que la grande humaniste Dolores O'Riordan des Cranberries) puis on s'amuse à invoquer les fantômes du passé, d'Arthur Lee à Syd Barrett.

Avec cet album rare et précieux, les musiciens de Moose ont envoyé balader les oeillères et ont osé briser les carcans quitte à passer pour des vilains petits canards. Ils avaient trouvé l'équation tout simple mais magique : moins de goudron, plus de plumes.



MOOSE Suzanne (Clip 1991)


MOOSE Little bird (Clip 1992)