Usés qu'ils étaient, les trois vinyles de Neu, groupe culte de la décennie magique de nos voisins allemands (1972-1982) qui vit éclore une bonne dizaine de groupes fulgurants, chacun occupant sa petite place, Neu opérant une curieuse synthèse, prenant à chacun pour se construire un univers au premier abord simple, voire simpliste, qui mérite l'attention et contamine gravement les neurones ensuite.
Répétitif à la
Kraftwerk mais sans la raideur apparente ni l'attitude, enjoué à la Guru Guru l'aspect progressif en moins, envoûtant à la Ash Ra Tempel mais jamais explosé comme eux, formaté au contraire en morceaux bien délimités, rock comme
Can mais sans la profondeur ni l'énergie, proche parfois d'un Popol Vuh lorsqu'il se laisse aller à des compos nonchalantes et aussi planantes que les meilleurs passages d'un "Aguirre - Götterdämmerung" ("Aguirre ou le crépuscule des Dieux") de Werner Herzog par exemple.
Mais le duo Michael Rother/Klaus Dinger a une botte secrète, une touche de folie Neu hergestell, l'interruption de la monotonie robotique de ses morceaux par des zébrures de synthétiseurs, des fracas de cymbales ou des variations de rythmes jusqu'à l'arrêt total, une perte soudaine de contrôle plongeant d'un coup sa musique dans des abysses insondables, une des premières tentatives industrielles qui surprend d'autant que ses stigmates frappent par surprise, au détour d'une gentille mélodie.
Neu a publié trois albums entre 1972 et 1975, sobrement intitulés "Neu (Hallogallo) ", "Neu 2" et "Neu", le troisième en trio avec Peter Dinger, frère de Klaus. EMI Electrola les publie enfin en Cd. Après la séparation, les frères Dinger formeront LA Düsseldorf (deux albums rares, "LA Düsseldorf" en 1976 et "Viva" en 1978, mais recentrés, à la manière de "Autobahn" pour Kraftwerk) et de son côté Michael Rother sortira à partir de 1979 un premier album solo sur le label Sky, suivi de plusieurs autres, dont "Katzen Musik". (Les rééditions de Neu sont disponibles séparément).
