The stage names

Okkervil River

par Jérôme Florio le 04/10/2007

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
A hand to take hold of the scene
A girl in port
John Allyn Smith sails


Depuis Austin, Okkervil River pousse en herbe folle depuis dix ans, produisant un folk-rock littéraire généreux mais un peu brouillon – du moins jusqu'à présent : "The stage names" est le disque qui porte à leur meilleur les qualités du groupe, mais c'est surtout du côté de son leader Will Sheff que la mue est étonnante. Sheff est aussi engagé au sein de Shearwater, projet parallèle monté avec un autre membre d'Okkervil, Jonathan Meiburg. Dans cette saine émulation, Meiburg avait placé la barre assez haut avec "Winged life" et "Palo santo" : Will Sheff reprend l'avantage avec "The stage names" plus proche de nous, plus près du cœur.

Ses chansons n'ont jamais été aussi enflammées et romantiques, brassant large le spectre de la culture populaire, cinéma, rock'n roll – par exemple l'exercice très ludique sur "Plus ones", parsemée de chiffres qui reportent à des titres de Simon & Garfunkel, REM, Commodores, Byrds... et même Nena (la scie teutonne "99 luftballons"). La noirceur qui pouvait ressortir à l'occasion chez Will (l'ombre de Tim Hardin sur le précédent "Black sheep boy" en 2005) était atténuée par une énergie qui se dispersait sur la longueur : il est maintenant devenu un excellent storyteller, dont l'écriture a gagné en précision. Il plante un décor dès les premiers mots de chaque chanson, installe son histoire, et ne vous lâche plus jusqu'à la fin : un petit tour de force au service de textes qui disent ce que ça fait d'être l'enfant d'un pays qui a créé sa propre mythologie, comment on se sent d'avoir la tête colonisée par tous ces films, toutes ces musiques qui vous ont appris à vivre – mais pas forcément à être heureux. "A girl in port", c'est un bout de la vie du musicien sur la route, avec les rencontres (féminines) que l'on peut y faire, la mélancolie tenace que ça engendre. Alors on essaie de rejouer la partition à sa façon, avec cette impression d'être le spectateur de sa propre vie.

Okkervil River a appris à ne pas tout jeter d'emblée dans la bataille : "The stage names" est bien construit et varie les ambiances, tout en étant leur disque le plus léger et accessible. Dès "A hand to take hold of the scene", les cuivres pulsent avec une fougue nouvelle : et quand la fanfare triste est de sortie, elle est relevée par une pedal-steel du meilleur effet. Le piano déglingué de "Our life is not a movie or maybe" rappelle le toucher de Mike Garson, clavier pour David Bowie ("Aladdin Sane") ; plus loin sur "You can't hold the hand of a rock and roll man", les guitares assurent un rythme boogie glam-rock. C'est au contraire dans la douceur que "Savannah smiles" déroule l'histoire sentimentalement éprouvante d'une enfant disparue trop tôt. Les chœurs féminins apportent une réconfortante coloration pop bubble-gum, voire soul.

"John Allyn Smith sails", racontée d'outre-tombe, reprend à son compte la mélodie de "Sloop John B." des Beach Boys, avec l'allant de jeunes gens qui reprennent le flambeau : le narrateur a beau avoir dit au revoir à la vie, de notre côté on sort de "The stage names" plein d'enthousiasme.


OKKERVIL RIVER Our life is not a movie or maybe (Clip)