Chaos and creation in the backyard

Paul McCartney

par Jérôme Florio le 05/10/2005

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
How kind of you
Jenny Wren
Riding to Vanity Fair


Tout est connu de Paul McCartney, depuis ses enregistrements d'ado vendus une fortune chez Sotheby's, à la dissection complète des archives des Beatles ; une carrière solo démarrée par des disques convalescents ("Paul McCartney", "Ram"), pour continuer avec les Wings (l'imbitable "Live and let die") dans les seventies. Ensuite s'additionnent d'autres albums régulièrement passables ("Off the ground", 1994) ou guère plus ("Flaming pie", 1997). Et des oratorios ! Dire que l'on attendait pas en bavant un nouveau disque est un doux euphémisme.

On n'en est que plus attrapés : "Chaos and creation in the backyard" sonne comme l'œuvre d'un jeune homme de 63 ans - ce n'est pas la moindre de ses étrangetés. On n'a pas l'impression d'être devant SIR PAUL McCartney, mais bien en présence de Paul McCartney, d'autant plus impressionnant qu'il reçoit avec une désarmante simplicité.
Aidé du producteur Nigel Godrich (Radiohead, Beck...), le "Chaos and creation..." de Macca est un big bang créatif plus pétulant que le "Bigger bang" des éternels frères ennemis Rolling Stones. Enfin, "aidé" façon de parler : Godrich l'a forcé à chambouler son petit confort de rentier, et à avaler quelques couleuvres (en lui refusant d'utiliser son groupe de tournée, en lui intimant parfois de revoir sa copie - on imagine la tronche qu'à dû tirer Sir Paul). Le résultat est là, frais et équilibré, une guimauve solaire et feutrée qui pourrait même nous émouvoir, à la fin.

"Fine line" est un titre d'ouverture emmené par un piano boogie, avec un pont qui ralentit le tempo et expédie en apesanteur d'une simple pichenette, en mettant la honte à la pop promo Sup de Co(ldplay). "How kind of you" passionne car elle témoigne de la collaboration étroite avec Nigel Godrich, entre les mains duquel Paul McCartney s'abandonne à un lifting sonore radical - à peine un harmonium sur le couplet. Sur le titre suivant, "Jenny Wren", c'est un bugle délicat qui parachève ce cas d'école d'écriture classique, intemporelle (lignée balade acoustique du "White album" - "Blackbird"). Le reste se déroule sans accrocs ou si peu (la surannée "English tea", un "Lazy afternoon" des Kinks en plus fatiguée) et la voix de Macca, toute en retenue, presque chuchotée, nous mène sans efforts par le bout du nez. "Promise to you girl" est une bizarre tentative de condenser les Beatles en deux minutes : la période bleue, "Lady Madonna" et "Lucy in the sky with diamonds" - une revisitation qui peut sonner absurde, limite inquiétante.

Pour durer, il est pratique de pouvoir se reposer sur les béquilles des traditions : le blues pour les Stones, la country-folk pour Neil Young... Paul McCartney montre qu'il est possible d'être un mélodiste pop (de génie, certes) et de vieillir dignement. Encore que... à voir ses photos, Macca semble entretenir un drôle de rapport avec l'âge. Une sorte d'anti-Dorian Gray, assez généreux pour laisser un peu de jeunesse irriguer son œuvre.