Too bright

Perfume Genius

par Jérôme Florio le 13/06/2015

Note: 7.5    

"Too bright", ou les failles de San (sic) Mike Hadreas, exposées en pleine lumière. Depuis "Learning" (2010) et ensuite "Put your back n 2 it" (2012), Mike Hadreas nous fait visiter son intimité avec une proximité qui peut être incommodante ou bouleversante (voire les deux en même temps) selon les goûts.

On passe donc du corps tuméfié de "Learning" à celui, lisse et glamour papier glacé, de "Too bright" : du storytelling trop beau pour être vrai ? Un plan ourdi à l'avance ? La mue est évidente, et se traduit aussi musicalement par des choix de production affirmés. "I decline" en ouverture fait fonction de résumé des épisodes précédents : une chanson au piano à la ferveur tremblotante, un "Let it be" (Beatles) à usage strictement personnel. Hadreas cultive ses plaies, et on ne sait si c'est avec complaisance ou par une honnêteté, voire une impudeur, hors du commun. Entre ego broyé et surexposition, un grand écart, un gouffre dans lequel on tombe encore une fois.

Fières et assurées, "Queen" et "Fool" tranchent immédiatement et prolongent la veine "pop" à peine entamée sur le disque précédent (mais déjà avec un aplomb à la limite de l'inconscience, voir le clip de "Hood") : rythmique franche, structure solide et claviers à la limite du gimmick (il a coupé un cheveu de la tignasse de Bonnie Tyler sur "Fool"). Mais derrière ces atours pop, il y a toujours cette fragilité d'enfant de chœur qui fait sa catharsis en direct. Mike Hadreas joue volontiers de sa voix, qui peut par moments rappeler celle de Boy George, en plus tremblante ; et varie davantage les ambiances. "My body" est grave et distordue, pour rendre – de manière un peu littérale – un effet d'attraction / répulsion. Tranchante et en alerte, "Grid" rappelle Suicide, avec des "baby baby" tremblants et menaçants susurrés près du micro. "Longpig" enfonce le clou dans une veine froide, qui montre aussi de nouvelles qualités de production.

"I'm a mother" rappelle l'exercice de travestissement de PJ Harvey sur "I think I'm a mother" ("To bring you my love", 1994. John Parish est d'ailleurs coproducteur de "Too bright", aux côtés d'Adrian Utley de Portishead). Insensiblement, on glisse vers des soundscapes, des couches horizontales de voix et de claviers. Mike Hadreas se cache finalement presque autant qu'il se dévoile. "Too bright est à la fois un temple dédié à l'affirmation de soi, et un écran de fumée.



PERFUME GENIUS Fool (Clip 2014)