Becoming Peter Ivers

Peter Ivers

par Jérôme Florio le 26/02/2020

Note: 8.0     

Plus de 35 ans après le brutal assassinat (inexpliqué à ce jour) de Peter Ivers, "Becoming Peter Ivers" offre une vue en coupe dans le processus créatif de quelqu’un qui restera sans doute connu pour avoir composé la chanson "In heaven" du traumatisant "Eraserhead" de David Lynch (1977). 

Cette collection d’inédits et de démos ne ressemble pas à grand-chose de répertorié, tout au plus peut-on y déceler l’influence de David Bowie ou Brian Eno (quand il chantait, "Miraculous weekend"), dans une sorte de cabaret aux reflets glam-rock où se mélangerait jazz, soul, pop, doo-wop et divers concassages à la Captain Beefheart, ainsi que du blues - Ivers était un très bon harmoniciste, ce qui lui a valu les compliments de Muddy Waters (!).

"Becoming Peter Ivers" couvre notamment la période Warner Music, chez qui il a signé grâce à l’entremise de Van Dyke Parks (célèbre parolier et arrangeur associé à Brian Wilson). Deux disques sortiront, "Terminal love" (1974) et "Peter Ivers" (1976), autant d'échecs commerciaux. Il faut dire que la voix haut perchée, les digressions métaphysico-astrophysiques de Ivers et un style musical inclassable ont rendu difficile l’exposition aux radios et à un vaste public.

Située à Laurel Canyon, quartier de Los Angeles (cf l'ouvrage d'Arnaud Devillard chez Le Mot et le Reste 2016 chroniqué ici), la maison de Peter et de sa compagne Lucy Fisher tenait lieu de salon où se croisait à toute heure une faune artistique angeleno. Parallèlement à sa carrière discographique, jalonnée de provocations diverses (une première partie de Fleetwood Mac à Los Angeles en 1976, où il a joué… en couches-culottes), Peter Ivers a ainsi intégré à la marge l’industrie du cinéma, composant par exemple la musique du premier film de Ron Howard ("Grand theft auto", 1977).

Après le départ de Lucy, Ivers s’est tourné de plus en plus vers l’underground. Il a animé sur une chaîne de télévision locale entre 1982 et 1983 l’émission "New wave theatre", au format déroutant, dans laquelle ont joué des groupes new wave et punk comme Bad Religion, Black Flag ou les Dead Kennedys. S'il avait plus ou moins abandonné l'idée d'une carrière solo, le travail d'archiviste entrepris à travers des dizaines et dizaines d'heures d'enregistrements pour sélectionner les chansons de "Becoming Peter Ivers" montre une créativité compulsive, qui demandait à s'exprimer même en l'absence d'exposition publique.

Chaînon doué et décalé entre les contre-cultures de la fin des années 60 et fin 70, Peter Ivers était bel et bien un attachant "beau bizarre".



PETER IVERS Miraculous weekend (demo)


PETER IVERS Alpha Centauri (demo)