Sleeping with ghosts

Placebo

par Filipe Francisco Carreira le 29/05/2003

Note: 6.0    
Morceaux qui Tuent
English summer rain
Plasticine
Special needs


Au mois d'octobre, Placebo investira le Palais Omnisports de Paris Bercy. Pour qui les a suivis depuis leurs débuts discographiques en 1996, l'événement revêt une importance symbolique. Le groupe de Brian Molko a cessé d'être cette curiosité, cette excentricité que l'on aimait tant cultiver pour devenir un authentique groupe de masse(s). Désormais, il occupe en France le statut qui était celui de Cure au milieu des années 80, prouvant que le goût pour l'androgynie et le romantisme noir subsiste dans un pays qui a pourtant fait un triomphe à la série des "Taxi" et son cortège de clichés sexistes et homophobes. Aussi ce qui, d'un point de vue affectif et ouvertement égoïste, est quelque peu frustrant constitue en soi un signe encourageant. Moins rassurante est la première écoute de "Sleeping with ghosts" où la désagréable impression d'entendre une compilation de faces B certes honnêtes mais sans surprise contraste avec l'excitation - l'exaltation ? - éprouvée lors des précédentes livraisons. Placebo peine à se renouveler et ce n'est pas l'association avec le producteur Jim Abbiss (Björk, DJ Shadow), pourtant intéressante sur le papier, qui change quoi que ce soit. Il y a ici trois catégories de chansons, celles qui sont tout bonnement extraordinaires, celles qui sont tout simplement pénibles et puis le reste. Dans la première catégorie, deux titres synthétisent toute la force du trio : "Plasticine" tient autant de "Nancy boy" que de "Haemoglobin", bourru et sexy, détraqué et incisif et, galvanisé par sa mélodie ronde et tournoyante, "Special needs" plonge l'auditeur dans un vertige qui tient de l'ivresse. "English summer rain", parfaite combinaison d'éléments organiques et électroniques, laisse entr'apercevoir ce que cet album aurait pu être mais qui s'éloigne au fur et à mesure que la fin approche ; "Sleeping with ghosts" termine en roue libre, se noyant dans des ballades répétitives et surproduites - "I'll be yours", "Protect me from what i want" - ou tout simplement fades - "Centrefolds". Si la fréquentation régulière du disque permet de réévaluer la troisième catégorie, soit la majorité (presque) silencieuse des titres où Placebo s'exécute sans sourciller, et de goûter à la nervosité de "Bulletproof cupid" ou à la mélancolie de "Sleeping with ghosts", rien ne viendra remettre en question une hiérarchie évidente dès la deuxième, voire la première écoute. Cerner un disque aussi facilement - du moins en avoir le sentiment - n'est jamais bon signe et si Placebo a gardé toute sa pugnacité, on peut craindre qu'il ait perdu de sa poésie et de son mystère pour se contenter d'être efficace.