Morceaux qui Tuent C'est pas du pipeau Tant qu'il y aura des ombres
Renaud
n'est pas un révolutionnaire, il ne l'a jamais été - il fustigeait
d'ailleurs la Révolution dès ses débuts (l'intempestif "Hexagone"),
mais
on ne peut lui nier un certain "devenir révolutionnaire".
Il y a une révolte, une belle révolte, ses chants sont souvent
"chants de revendication" : il se bat, avec ses mots, avec
son intelligence, son humour et sa tendresse, peut-être contre des
moulins à vent, ou contre des ombres et des fantômes... mais qu'importe
au fond, il s'agit de se tenir debout. On insistera sur la tendresse
de Renaud, son amour, pour la vie, pour les arbres et les oiseaux,
pour les hommes aussi, quand les hommes ne sont pas "trop
humains". Il y a chez lui une intelligence de la Révolte qui se
déploie remarquablement dans la tendresse - "Dis
papa quand c'est qu'y passe, Le marchand de tendresse"
C'est
sous le signe de cette tendresse que se place "Marchand
de cailloux",
aux consonances irlandaises (collaboration avec Pete Briquette) et à
la poésie presque impeccable. L'album sonne juste du début à la
fin, avec des titres très forts, très beaux, inoubliables
("Marchand de cailloux", "L'aquarium", "P'tit
voleur", "La ballade nord-irlandaise", "Je
cruel", "C'est pas du pipeau", "Tant qu'il y aura
des ombres"...), rien
n'est à retirer, rien n'est à ajouter non plus : Renaud touche avec
"Marchand
de cailloux"
à une rare cohérence, non seulement dans son œuvre, mais aussi et
surtout au-delà de lui-même, et puis, le plus important, Renaud ne
se fait plus la voix des opprimés et des insurgés de ce monde —
même s'il parle encore pour eux —,
c'est avant tout en porte-parole des enfants qu'il s'exprime. Il
y a cette certitude qui résonne, ce constat désespéré : on ne
changera pas les hommes, mais il reste les enfants. A eux on peut
encore parler, et pour eux rendre le monde à sa pureté, à son
innocence. On peut leur parler, mais eux peuvent nous aider à
devenir de vieux enfants, encore pleins de magie, avec des étincelles
dans les yeux et des promesses d'espérance.
"Y
a que les enfants Qui
savent aimer Les
loups noirs ou blancs Qui
nous font trembler Tu
sais que les grands Ceux
qu'on sera jamais..."