Moonless

Reza

par Jérôme Florio le 31/05/2009

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Desert Land


Pour "Moonless", son deuxième disque, Reza a choisi une direction très claire : le son sera américain, même vu d'ici, même selon l'idée que l'on peut s'en faire depuis l'autre côté de l'Atlantique. Un beau rêve - ou fantasme - auquel le groupe parvient à donner corps.

"Broken kite" (2007) présentait une collection de chansons bien rodées, dans laquelle on sentait toutes les influences d'un groupe en construction, du pop-rock au folk en passant même par du rock'n roll vintage. Un apparent désordre qui tenait plus de la discothèque de fan que du musicien pro, mais personnel et très bien mis en place.
Le Reza d'aujourd'hui est presque un autre groupe : changement de personnel à plusieurs postes, abandon de la charte graphique des premiers disques. Le visuel choisi est une photo sépia colorisée d'une fanfare Us (?) du début du siècle dernier ; le nom du groupe flotte au-dessus, comme l'esprit de la musique qu'il cherche à capter. Il fallait donc un nouveau son, et dans le genre on ne peut pas attendre beaucoup mieux : chaque instrument respire naturellement, l'ensemble est très bien enregistré et mixé par les soins de Stéphane Garry (Pokett). La rythmique aux balais (Pierre-Jean Grappin) et la contrebasse (Gonzague Octaville) créent un son cosy et organique. D'une voix grave, parlée-chantée presque sur le mode de la confidence, Reza Hatami parle de sentiments simples et universels, qui se rapportent sans doute à sa propre histoire. Le groupe évolue dans un registre madré, assez masculin, un genre dépeuplé depuis le dépôt de bilan des Czars ou encore Beulah.

Il y a néanmoins une chanson pour faire le trait d'union avec les débuts, "Boozer's talk", qui a été réenregistrée. Elle sonne maintenant plus ample, plus grave et lente : on songe à la réappropriation de "Kathleen" de Townes Van Zandt par les Tindersticks. "Desert land", en duo avec H-Burns, est la plus belle réussite dans le genre country-folk romantique - un potentiel de tube. Lorsque la poussière du désert de la frontière américano-mexicaine retombe, on distingue les reliefs de pop-songs qui nous parlent davantage. Dans une même chanson ("Child") les guitares (de Boris Kohlmayer) peuvent aborder des registres variés, d'une fin au riff en boucle à la Johnny Marr jusqu'à des courts solos aux inflexions fifties, avec le son réverbéré qui convient. 

"Moonless" joue la séduction tout en finesse, avec un patient travail sur les rythmes et les accents (cordes sur "Rain", ailleurs pedal-steel, violoncelle et mandoline...). On y revient quand on a envie de la compagnie d'un travail soigné, franc, avec lequel on se découvre des affinités au fil des écoutes.



REZA The letter (Live Flèche d'Or 2008)