People are strange

Stina Nordenstam

par Rodrigue Ducourant le 01/03/1999

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
Purple rain
Reason to believe


Il y a ceux qui voient dans l'exercice du cover un moyen de s'attribuer là une généalogie musicale douteuse, une filiation frauduleuse, pour cacher leur fadeur artistique criante. D'autres ramènent leur face de clown et tournent un classique en dérision, se croyant pertinent. Avec Stina, point de pédanterie, juste une vraie leçon de talent. Quand Rod Stewart fait des bulles dans son bain avec un "Sailing" de marin en baignoire sabot, notre sirène lui apprend les sensations fortes : seuls, un piano dépouillé et quelque cordes décident de la météo marine. Plus loin, un "Bird on a wire" qui aurait pu chanter à la fenêtre de Suzanne Vega, puis "Reason to believe" et ses guitares-griffes de velours (il serait temps de reconsidérer l'œuvre de Tim Hardin et son influence sur un autre protégé de Mitchell Froom, à savoir Ron Sexsmith), ailleurs un "Purple rain" sensuel, entêtant, mélancolique, réveille la Phèdre en chacun de nous. L'apothéose vient avec "People are strange", véritable ballade à travers les rues nocturnes et humides de Brassaï, où Stina embrasserait du regard les "freaks" de Diane Arbus sous l'œil de David Lynch... (mais que fait Kate Bush !?). Le cover atteint là ses lettres de noblesse, quand il sait exister au delà de sa matrice. Stina Nordenstam, non contente de savoir ce secret de jazz, possède également la faculté de ne pas écouter comme tant d'autres, toute onde sonore devant couler étrangement à son oreille. Cette fille est "strange", l'auditeur en est agréablement déstabilisé.