Bien peu d'artistes ont connu une trajectoire de carrière à l'image de celle de Mark Hollis, passé de la pop à synthés grand public à un art solitaire post-rock résolument aventureux et non commercial. Publié à l'origine en 1997 par Emi, "The very best of Talk Talk" connait une réédition, non seulement remastérisée mais surtout remodelée, réorganisée chronologiquement, non pensée selon le critère mercantile des succès commerciaux. Assez rare pour être signalé.
Formé à Londres en 1981 avec Paul Webb (bassiste fretless), Lee Harris (batteur), Simon Brenner (synthétiseurs) et Mark Hollis. Talk Talk tient son nom du groupe punk The Reaction fondé par Hollis en 77 et dissous l'année suivante, qui avait connu un mini-succès avec le morceau "Talk talk talk talk".Repris par Talk Talk, le morceau sera le second single tiré de leur premier album "The party's over" (Emi 1982), le premier à se hisser dans les hit-parades. Il ouvre naturellement ce double album, suivi de "Today", premier véritable grand succès. Après "The party's over", Brenner quitte Talk Talk, sans être remplacé - le producteur Tim Friese-Greene devient le quatrième membre officieux, jouant des claviers et co-écrivant sur tous les albums suivants.
"It's my life" (deuxième Lp, Emi 1984) installe Talk Talk comme groupe à succès, aux côtés des Depeche Mode, Tears For Fears, Eurythmics et autres Duran Duran. Une poignée de chansons sont imparables, chacune accompagnée d'un clip qui l'est tout autant. Pour le morceau-titre, Mark Hollis refusa la synchronisation labiale, préférant garder la bouche fermée tout en agitant des formes noires qui lui couvrent la bouche. Il donne le ton. Pour "Such a shame", morceau qui emporte tout sur les ondes, principalement en Europe continentale (l'Angleterre les ignore encore), Hollis, compose un personnage hilarant, les musiciens singeant certains groupes néo-romantiques de l'époque et leurs guitares sous l'épaule (Spandau Ballet, Adam & the Ants...). Indispensable. Quant à "Another world", nous dirons qu'il "décoiffe" !
"The colour of spring (troisième Lp, Emi 1986) marque un tournant important, les synthétiseurs sont remplacés par un orgue et un piano, et la batterie électronique par une vraie batterie acoustique. Un changement qui libère le batteur Lee Harriss, limité jusque là aux textures robotiques. Son jeu devient plus complexe et plus chaleureux. La perle en est "Life's what you make it", construite autour d'un riff de piano sautillant et d'une batterie puissante, sans basse, Webb assurant simplement les chœurs."Living in another world" - qui invite Steve Winwood à l'orgue - est tout aussi remarquable, et encore une fois le clip est à voir - le groupe suspendu à l'envers à un piano, avec une machine à vent qui souffle sur le trio pendant qu'il chante.
"Spirit of Eden" sera le dernier album pour Emi (1988), avec "Give it up", "April 5th", "Time it's time", les six minutes intenses de “I believe in you”, “Eden” (ces deux dernières présentant les versions single imposées par la maison de disques, moins intenses que les versions albums - dommage) et enfin “Wealth”. Mécontente de la trajectoire du groupe qui lui échappait totalement, Emi vire Talk Talk. Ils signeront sur Verve, historique label jazz américain et y publieront le moody, jazzy, expérimental et totalement dépourvu de single "Laughing stock", dernière grande oeuvre de Mark Hollis avec son groupe.Talk Talk se dissout discrètement. Hollis sort l'album solo minimaliste "Mark Hollis" (Polydor, 1998) avant de se retirer complètement de l'industrie musicale et de la vie tout court. Un cancer du pancréas l'emporte en 2019. RIP génie !