| | | par Chtif le 31/08/2005
| Morceaux qui Tuent Evergreen That girl suicide Hyperventilation
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| Methodrone. On dirait un de ces mélanges savants que seuls les défoncés de compétition savent concocter pour atteindre les plus hautes sphères. Et repousser les limites. Le genre de mixture que s'enverraient Johnny Depp et Benicio Del Toro dans une piaule de Las Vegas (méthédrine plus adrénochrome, c'est bien ça ?).
Anton Newcombe est l'un de ces alchimistes convaincus de pouvoir parier avec la mort et en sortir gagnant (ou du moins "était", car à l'entendre son dernier shoot d'héroïne remonte à 1999). Hippie moderne, anarchiste convaincu (tous ses titres sont en libre service sur internet pour faire la nique aux géants du disque), Newcombe semble s'être trompé d'époque. Né à Los Angeles mais exilé à San Francisco pour en capter les vibrations psychédéliques, il vénère les 60's et notamment Brian Jones dont il admire le mysticisme et le goût pour l'exploration.
L'affaire est déclarée : le Rolling Stone donnera son nom au groupe, et en route pour les territoires inconnus. Sous forte emprise de stupéfiants bien évidemment, avec tous les clichés malheureux que cela comporte : bastons sur scène, comportement égocentrique qui usera la patience d'une quarantaine de musiciens en l'espace de cinq ans? Se droguer n'a jamais fait d'un homme un génie, mais heureusement, le bonhomme avait de sacrés bonnes dispositions au départ. Multi-instrumentiste et compositeur doué, Newcombe a donc réussi à enregistrer vaille que vaille une bonne douzaine d'albums tous plus renversants les uns que les autres.
Le premier, "Methodrone" (1995), est une intense expérience psychédélique de 72 minutes. Tout le secret du son Brian Jonestown Massacre réside ici dans le flot ininterrompu de guitares lancinantes. Un roulement sourd, abyssal, fait de feedback et de saturation basse qui pétrit les entrailles et coupe les jambes. Cloué au fond du fauteuil, il ne reste plus qu'à subir, supplier les tournoiements de cesser tout en priant le monde de ne jamais retomber sur ses pieds. Immédiatement, on pense aux Dandy Warhols et aux Warlocks, deux groupes intimement liés à Newcombe, mais aussi au shoegaze de My Bloody Valentine. Puis le temps remonte en spirale, et ce sont des myriades d'étoiles sixties qui explosent en sifflant : les Stooges semblent s'être immiscés pour plomber un "Crushed" bien chargé, et les Stones envoient de lumineux chapelets d'accords à travers l'épais nuage de fumée ("That girl suicide"). En tendant la main pour disperser la brume, Brian Jones apparaît, assis là en tailleur qui distille quelques mélodies doucement asiatiques.
Que l'on s'entende bien, il ne s'agit pas ici de célébration rétro comme l'assènent de nombreux groupes en quête de crédibilité Woodstock, mais bien d'expérience temporelle qui virevolte entre les âges pour mieux nous perdre. Entre deux mélodies pop ("Everyone says", le xylophone de "Records"), on se surprend ainsi à tomber nez à nez avec un rock quasi gothique sorti d'on ne sait quel calumet. "Wisdom" évoque aussi bien Depeche Mode que Paradise Lost (période "One second") ou Hawkwind.
Des moments exceptionnels viennent ponctuer la séance : ici, une voix féminine d'une infinie tendresse nous retient au bord du gouffre ("Evergreen"), là ce sont les incantations d'un Newcombe qui fragmentent un "Hyperventilation" au bord de l'étouffement. Pas de doute, entre bonheur extatique et effroi complet, Newcombe sait préparer ses potions avec le doigté d'un shaman inspiré. |
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