Potpourri (hits, mixes and demos '85-'89)

The Flatmates

par Chtif le 14/06/2005

Note: 7.0    
Morceaux qui Tuent
Shimmer


Sale époque que les mid-80's en Angleterre. Margaret Thatcher rouille sur son trône et Wham ! fait mouiller les charts. Côté rock, personne ne s'est remis des Cure, et tout le monde chiale dans son clavier. Morrissey débarque en sauveur, mais déprime tout le monde avec ses crises existentielles. Il n'y a bien qu'à Manchester, du côté de l'Hacienda, que l'on ose encore s'oublier. La house balbutie, et les sourires artificiels fleurissent sur le dance-floor.

Pour les réticents aux cachetons, il n'y a pas trente-six autres solutions. Quitter sa télé, et descendre au pub pour parler foot et écluser ses pintes. Justement, paraît que certains groupes réinventent la pop joyeuse, et ressortent un son bien crade comme on en entend plus depuis trop longtemps. Avec des guitares en plus ! Ça fera au moins une bonne raison de devenir alcoolique, tiens. Et ça change de toutes ces prises de tête cold wave, là, des branlettes de cerveau sur une note de synthé. Comme s'il ne faisait pas assez froid dehors...

Le New Musical Express se charge d'étiqueter le mouvement en éditant une compile : pour la postérité, ce renouveau pop portera le sceau "C86". Au beau milieu de cette effervescence toute jeune, les Flatmates de Bristol ne sont pas loin de décrocher la timbale. Il faut dire que Martin Whitehead, qui tient la guitare, n'est pas un manchot, et délivre entre 1986 et 1988 une poignée de singles lumineux ornés de pochettes colorées et de titres évocateurs : "I could be in heaven", "Happy all the time", ou encore le tube évident "Shimmer". Les mélodies insouciantes évoquent Cheap Trick, et les rythmes s'emballent sur fond de feedback, de guitares fuzz et d'ampli bourdonnant. Le soleil par la grande porte. C'est qu'ils devaient en avoir besoin, les pauvres...

A côté de ces purs moments pop, nos Colocataires n'oublient pas de réveiller les voisins, avec des jaillissements punks bien crétin : "Heaven is blue" fout un beau dawa à quatre heures du mat, tandis que "I don't care", emprunté aux Ramones (leurs héros avoués), braille sans concession dans l'escalier. On n'a qu'une vie, quoi.

Mais tout cela ne serait que blague potache sans le chant de Debbie Haynes, qui resplendit au milieu du fracas. Sucrée comme une Ronette, taquine comme une Debbie Harry, cette voix sent bon les batailles de polochon, les 110 mètres-poubelles idiots dans la rue, et les jupettes tachées de glace à la fraise. Debbie Haynes exulte, "bop bop bop bop bopise", éclate de rire à tout bout de champ, feint l'hystérie, et parle d'amour comme une lycéenne. Telle une gamine espiègle, elle joue la "Femme fatale" du Velvet Underground (en bonus caché ici), et fait chavirer même les coeurs les plus endurcis.

La carrière des Flatmates s'interrompt brutalement. Leur cinquième single, "Heaven knows", se plante sans raison et le concert londonien qui aurait dû les consacrer devant la presse se transforme en bataille rangée quand le lead guitariste déambule bourré comme une huître sur scène. On nage en plein Spinal Tap. L'état des lieux se fait en mars 1989, avant même la sortie d'un "Trust me" pourtant bien armé pour faire oublier la débâcle.

Cette compilation Cherry Red exhume une joie de vivre simple, communicative et honnête que l'on croyait enfouie depuis des lustres. De nombreuses faces B et versions démos s'invitent aux retrouvailles. Toutes ne sont pas à la hauteur, mais le groupe a le bon goût d'assumer ses quelques erreurs de jeunesse aussi bien que ses moments de gloire. Remercions au passage Martin Whitehead d'avoir autorisé la diffusion de sa prestation sur "Out of love", et surtout de s'être cantonné définitivement aux backing vocals.

Ce “Potpourri” a des allures de cure de jouvence. Enfin un disque sans arrogance, ni complainte suicidaire. Le bonheur pour seul credo. C'est rare, et certains ne pourront s'empêcher de trouver ça niais. Ceux-là ont déjà un pied dans la tombe.


NB : le site officiel contient une biographie ultra-détaillée du groupe, écrite par Martin Whitehead lui-même.