Trajectoire
attachante que celle de The Orchids. Le groupe écossais formé en
1985 à Penilee reste indissociable du label Sarah Records, qu'il a
accompagné du berceau à la tombe (1987-1995). Loin d'être aussi
fragiles que leur patronyme et leur musique le suggèrent, The
Orchids ont résisté au temps : après une éclipse de plus de dix ans, ils sont réapparus en 2007 et demeurent en activité jusqu'à
ce jour. La présente "anthologie" fête leurs trente ans
d'existence.
On y trouve tout d'abord une sélection
chronologique de leurs enregistrements (1er cd) puis un itinéraire
bis de singles, demos et autres raretés (2ème cd). Cette
approche certes basique a le mérite de faire ressortir une constante
dans leur production, au travers des modes musicales dont on trouvera
des traces éparses, finement digérées : écrire la meilleure
chanson pop possible.
Les premières traces
discographiques des Orchids sont une salve de singles urgents, au son
jeune et maigrelet, naturellement indépendants, qui ne seront pas
repris sur le premier Lp (éthique Sarah Records oblige, par respect
pour le porte-monnaie des acheteurs). On pense aux débuts d'un autre
groupe écossais qui a quasiment pris le relais, Belle &
Sebastian. Dans un premier temps The Orchids sonnent comme un groupe
à guitares : cristallines comme chez Felt ("Apologies",
une face B), et même noisy ("What will we do
next")."Defy the law" associe avec facilité mélodie
pop, le chant d'une douceur inaltérable de James Hackett et des
claviers échappés de l'ère glaciaire new wave. Les titres tirés
du premier Lp "Lyceum" (1989) ont un son plus rond mais
creusent le même sillon ("It's only obvious"), tout en
rappelant les premiers singles ("Caveman").
Dans
l'intervalle qui précède la parution du LP "Unholy soul"
(1991),"Something for the longing" prend en compte le son
du moment mais à la manière du groupe : en sourdine, comme un
lointain écho de ce qui se trame à Madchester (sic). De quoi faire
passer les Happy Mondays et autres Charlatans pour des rustres finis
– ce qu'ils étaient probablement par ailleurs. "Long drawn
sunday night" a un pied sur le dance floor et l'autre
dans le confinement d'une chambre d'adolescent, "Peaches"
avec la voix de Pauline Hynds Bari est un hymne heureux et
solaire.
"Obsession #1" ouvre le dernier Lp du groupe
sur cette période, "Striving for the lazy perfection"
(1994) : un disque varié, presque une somme de l'esthétique des
Orchids, à la fois synthétique (des fausses cordes) et organique
(les guitares tordues par les effets). "A kind of eden" est
totalement sirupeuse mais les Orchids la transfigurent en manifeste,
une sorte de lâcher-prise total avec le monde réel. Le son est
assez bizarre, à la fois lo-fi et chaleureux. La voix de
Pauline est par moments sous-mixée et à d'autres porte avec
assurance la chanson, pour un résultat qui laisse l'impression d'un
titre à la Dionne Warwick / Burt Bacharach. "Striving for the
lazy perfection" bascule totalement dans l'électro dansante,
cependant atténuée par la voix blanche, presque atone, de
Hackett.
Le label Sarah Records met la clé sous le paillasson
en 1995. Saut temporel au 21e siècle pour les trois disques du
retour, parus entre 2007 et 2014. "Another saturday night"
tient bon la barre d'une pop à guitares dynamique. Les
extraits de "The lost star" (Lp, 2010) paraissent au
contraire un peu engourdis, même si les cordes de "The girl and
the soldier" sont joliment arrangées. Le groove de "She's
my girl" et "The way that you move" n'est pas très
prenant, la production sonne années 90 (on pense à "A girl
like you" d'Edwyn Collins). Les guitares reprennent le dessus
sur "Beatitude #9" (2014) ("Hey ! Sometimes",
"Something's going on").
Le 2ème Cd offre une
bonne ration de raretés réjouissantes : "From this day",
à l'origine sortie sur un flexi-disc partagé avec un autre
groupe, est la parfaite représentante d'une période où les Orchids
et d'autres distribuaient sans compter et sans calcul de petites
merveilles. D'autres titres montrent des essais près d'être
transformés, avec des instruments peu utilisés par la suite : "My
sacred hour", une démo de 1986 avec saxophone, ou un harmonica
sur "Whitley bay" et l'acoustique "You could do
something". "The patience is mine" se détache du lot
avec ses guitares réverbérées et son refrain lumineux. Dans
les titres les plus récents, on retient la démo de "Under
clouds, under stars, under lens, under cars" avec son chant et
ses harmonies presque rock progressif.
Une version
réenregistrée en 2017 de "Underneath the window, underneath
the sink" (single de 1988) boucle le tout de manière élégante.
Elle est rejouée à l'identique, comme si rien n'avait changé,
comme si tout pouvait recommencer. The Orchids ont engagé un drôle
de dialogue avec leur époque, à la fois dehors et dedans, bien
planqués sous les radars ; peu enclins à se plier aux codes du
business, ils se sont tenus éloignés de la presse musicale anglaise
toute-puissante des années 80 et 90. Ils ont su préserver
quelque chose d'essentiel, qui est difficile à saisir. S'ils ont pu
s'offrir une nouvelle et tardive floraison, c'est peut-être au prix
que peu de gens puissent en toucher les pétales. On leur souhaite
qu'elle soit durable.