Who needs tomorrow... A 30 year retrospective

The Orchids

par Jérôme Florio le 09/12/2017

Note: 8.0     

Trajectoire attachante que celle de The Orchids. Le groupe écossais formé en 1985 à Penilee reste indissociable du label Sarah Records, qu'il a accompagné du berceau à la tombe (1987-1995). Loin d'être aussi fragiles que leur patronyme et leur musique le suggèrent, The Orchids ont résisté au temps : après une éclipse de plus de dix ans, ils sont réapparus en 2007 et demeurent en activité jusqu'à ce jour. La présente "anthologie" fête leurs trente ans d'existence.

On y trouve tout d'abord une sélection chronologique de leurs enregistrements (1er cd) puis un itinéraire bis de singles, demos et autres raretés (2ème cd). Cette approche certes basique a le mérite de faire ressortir une constante dans leur production, au travers des modes musicales dont on trouvera des traces éparses, finement digérées : écrire la meilleure chanson pop possible.

Les premières traces discographiques des Orchids sont une salve de singles urgents, au son jeune et maigrelet, naturellement indépendants, qui ne seront pas repris sur le premier Lp (éthique Sarah Records oblige, par respect pour le porte-monnaie des acheteurs). On pense aux débuts d'un autre groupe écossais qui a quasiment pris le relais, Belle & Sebastian. Dans un premier temps The Orchids sonnent comme un groupe à guitares : cristallines comme chez Felt ("Apologies", une face B), et même noisy ("What will we do next")."Defy the law" associe avec facilité mélodie pop, le chant d'une douceur inaltérable de James Hackett et des claviers échappés de l'ère glaciaire new wave. Les titres tirés du premier Lp "Lyceum" (1989) ont un son plus rond mais creusent le même sillon ("It's only obvious"), tout en rappelant les premiers singles ("Caveman").
Dans l'intervalle qui précède la parution du LP "Unholy soul" (1991),"Something for the longing" prend en compte le son du moment mais à la manière du groupe : en sourdine, comme un lointain écho de ce qui se trame à Madchester (sic). De quoi faire passer les Happy Mondays et autres Charlatans pour des rustres finis – ce qu'ils étaient probablement par ailleurs. "Long drawn sunday night" a un pied sur le dance floor et l'autre dans le confinement d'une chambre d'adolescent, "Peaches" avec la voix de Pauline Hynds Bari est un hymne heureux et solaire.
"Obsession #1" ouvre le dernier Lp du groupe sur cette période, "Striving for the lazy perfection" (1994) : un disque varié, presque une somme de l'esthétique des Orchids, à la fois synthétique (des fausses cordes) et organique (les guitares tordues par les effets). "A kind of eden" est totalement sirupeuse mais les Orchids la transfigurent en manifeste, une sorte de lâcher-prise total avec le monde réel. Le son est assez bizarre, à la fois lo-fi et chaleureux. La voix de Pauline est par moments sous-mixée et à d'autres porte avec assurance la chanson, pour un résultat qui laisse l'impression d'un titre à la Dionne Warwick / Burt Bacharach. "Striving for the lazy perfection" bascule totalement dans l'électro dansante, cependant atténuée par la voix blanche, presque atone, de Hackett.
Le label Sarah Records met la clé sous le paillasson en 1995. Saut temporel au 21e siècle pour les trois disques du retour, parus entre 2007 et 2014. "Another saturday night" tient bon la barre d'une pop à guitares dynamique.  Les extraits de "The lost star" (Lp, 2010) paraissent au contraire un peu engourdis, même si les cordes de "The girl and the soldier" sont joliment arrangées. Le groove de "She's my girl" et "The way that you move" n'est pas très prenant, la production sonne années 90 (on pense à "A girl like you" d'Edwyn Collins). Les guitares reprennent le dessus sur "Beatitude #9" (2014) ("Hey ! Sometimes", "Something's going on").

Le 2ème Cd offre une bonne ration de raretés réjouissantes : "From this day", à l'origine sortie sur un flexi-disc partagé avec un autre groupe, est la parfaite représentante d'une période où les Orchids et d'autres distribuaient sans compter et sans calcul de petites merveilles. D'autres titres montrent des essais près d'être transformés, avec des instruments peu utilisés par la suite : "My sacred hour", une démo de 1986 avec saxophone, ou un harmonica sur "Whitley bay" et l'acoustique "You could do something". "The patience is mine" se détache du lot avec ses guitares réverbérées et son refrain lumineux. Dans les titres les plus récents, on retient la démo de "Under clouds, under stars, under lens, under cars" avec son chant et ses harmonies presque rock progressif.

Une version réenregistrée en 2017 de "Underneath the window, underneath the sink" (single de 1988) boucle le tout de manière élégante. Elle est rejouée à l'identique, comme si rien n'avait changé, comme si tout pouvait recommencer. The Orchids ont engagé un drôle de dialogue avec leur époque, à la fois dehors et dedans, bien planqués sous les radars ; peu enclins à se plier aux codes du business, ils se sont tenus éloignés de la presse musicale anglaise toute-puissante des années 80 et 90. Ils ont su préserver quelque chose d'essentiel, qui est difficile à saisir. S'ils ont pu s'offrir une nouvelle et tardive floraison, c'est peut-être au prix que peu de gens puissent en toucher les pétales. On leur souhaite qu'elle soit durable.




ORCHIDS What will we do next (Audio seul 1988)



ORCHIDS Peaches (Audio seul 1991)



ORCHIDS Obsession #1 (Audio seul 1994)



ORCHIDS From this day (Audio seul 1988)