Live licks

The Rolling Stones

par Olivier Marliere le 18/11/2004

Note: 7.0    
Morceaux qui Tuent
Brown sugar
Street fighting man
Start me up
Satisfaction


D'abord, il y a le préjugé défavorable : les quatre gars nous ont comblé il y a un an pile avec un quadruple Dvd de cinquante chansons et ils remettent ça en lieu et place d'un nouvel album studio (le dernier remonte à 1997) : même tournée mondiale 2002-2003, mêmes lieux, mêmes morceaux. Sauf que c'est un double live audio avec seulement 23 titres. Bref, c'est la moitié de la dernière livraison. Sans les images. Un simple geste contre la piraterie ? J'en ai lu qui râlaient avant d'acheter. Oui, le boycott du "nouveau" Stones était plaidable.

Il faut donc se contenter, sans appui technique, de vivre cette sortie. Pourquoi pas ? J'étais (bien placé) au concert du Stade de France du 9 juillet 2003 et je les avais trouvés meilleurs qu'en 1998, surtout l'esprit de sobre puissance qui régnait ce soir-là et le solo mémorable de Keith sur "Satisfaction". Je savais qu'ils avaient préféré un autre stade (Twickenham) pour le Dvd et ne m'attendais pas à retrouver ce show parisien sur le Cd. Par contre, grâce à un fan surgi avec un master tournant et gratuit, j'avais déjà le Vcd du Madison Square Garden, si bon, si complet, si joyeux, que ses extraits gravés sur le Dvd officiel n'ajoutèrent que la netteté visuelle du format. Il y a beaucoup de morceaux issus du Madison sur le Cd : pas moins de neuf si j'en crois mes oreilles (parce que les notes de jaquette, comme d'habitude, sont muettes sur la provenance des prises). La pin-up de la pochette, avec ou sans soutien-gorge, je m'en fous : on n'a pas leurs visages, rayés des rectos de pochette depuis des lustres (juste striés horizontalement par l'informatique à l'intérieur du livret : même concept graphique que pour "Four flicks"), mais c'est toujours mieux que l'anonymat du couple hardeux qui s'étale sur "No security", mieux que la bougie stylisée de "Flashpoint". Compte tenu de ce non-événement artistique, il ne reste qu'à traquer l'agencement des titres, le son et surtout l'ambiance, censée refléter une vraie performance publique de l'ex-toujours-plus-grand-groupe-de-rock-du-monde.

L'album étant double avec d'un côté les standards et de l'autre des raretés plus compatibles avec les petites salles et les arenas, je croyais qu'ils nous auraient fait deux ambiances différentes, disons "Flashpoint" et "Stripped". Non : c'est le même son, de bout en bout. Un son clair et agressif, toutes guitares en avant, qui arrache les tapis de claviers et les sections de cuivres qui rembourraient inutilement le Dvd. Veux-t-on vraiment entendre les guitares clairement - ces fils d'acier fragiles qui n'ont plus la chaleur saturée des vieilles Les Paul - et pas tous ces grumeaux qui assourdissent la rythmique et enterrent les solos comme sur le récent Dvd enregistré au festival de Toronto ? Pour moi, la réponse est oui. Cette option de mixage sert le concept de "two guitars band" si souvent défendu par Keith Richards (pour justifier en partie les limites techniques de Ronnie Wood) et le résultat, enfin audible, est probant : question guitares, ça s'entrebaise comme il faut, sans faiblesses, sans batterie écrasante, sans ces fameux trous mélodiques que Mick Taylor savaient si bien remplir. La contrepartie de cette option, c'est un public un peu derrière, décoratif.

La voix de Jagger, elle, est bien prise, bien timbrée, presque plus jeune que d'habitude. Quant au collage des morceaux, il est sans temps mort, tellement bref (pas de palabres ni de remerciements) qu'on pense à une juxtaposition (c'est le cas, ouvertement) et non au déroulement d'un concert. Ce n'est pas véritablement un point faible puisque la puissance est là, une puissance impérieuse, métallique, non dénuée de froideur. "Live licks" est le témoignage d'un groupe en forme, accompli, qui ignore l'âge de ses membres et domine son public. Si on veut plus de bordel et plus de chaleur, on se rabattra sur les boots. La piste audio du Madison Square Garden version HBO est très bien, très complémentaire de ce Cd officiel qui peut servir de sentier de (re)découverte à ceux qui les croient vieux, morts ou enterrés. "Live licks" n'est pas si convenu. Pour moi, c'est le meilleur disque possible des Stones sur scène avec Ron Wood. Un vrai nouvel album en 2005, ce serait quand même mieux. Comment va Charlie ?