Noisette

The Soft Machine

par Frédéric Joussemet le 25/06/2000

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
Eamonn Andrews
Backwards
12/8 theme
We did it again


La réédition d'un album de Soft Machine est toujours bienvenue, la parution d'un inédit tient du plaisir suprême... mais "Noisette" va encore au delà de ces espérances. Il s'agit de l'enregistrement du concert de 1970 d'où est tiré "Facelift" dans l'album "Third", point culminant des Softs. Ce morceau est d'ailleurs le seul absent du disque mais qu'importe car le reste est là, prêt à assener une claque magistrale à quiconque aura le bonheur de l'écouter. L'originalité du groupe est à son paroxysme dans le mélange du rock et du jazz. Il reste avant tout une formation rock (et anciennement pop), les compositions ne suivent pas une trame de jazz (les fuzz tordant basse et orgue le confirment aux étourdis). Oui, ce sont des morceaux rock, mais poussés à l'extrême vers la recherche de thèmes complexes et d'accompagnements surprenants. Les soli pleuvent, un orgue saturé, une flûte, une basse... Tous improvisent, sur le devant de la scène ou en accompagnant, toujours pour trouver les notes inattendues catapultant la musique au delà des limites connues. Seul regret, Robert Wyatt (batterie) est déjà privé de chant par ses collègues et "Moon in june" n'est plus qu'un instrumental. Il se rattrape derrière ses fûts, inventant constamment des rythmes effervescents. La formation présente est un quintette éphémère, dans sa première apparition publique. Ainsi, derrière le trio de base (Hugh Hopper à la basse, Mike Ratledge à l'orgue et au piano électrique et Robert Wyatt), se faufilent Elton Dean - sax alto et saxcello - et Lyn Dobson - soprano et flûte - pour participer à la folie créatrice. Ce line-up a beau être une transition entre le septet (avec Mark Charig au cornet et Nick Evans au trombone) et le quartet où le seul Dean officiera aux cuivres, c'est sans doute la meilleure période de Soft Machine. Lyn Dobson y est pour beaucoup. Ses soli de flûtes mêlant squat et notes ("Backwards") et ses hurlements de saxes - en échos à ceux de Dean - participent à l'emphase, à l'impact sonore. Toutes les ambiances sont exploitées, cavalcades haletantes ("Mousetrap"), moments suspendus ("Backwards"), cataclysmes incontrôlés ("Esther's nose job") ou 'pataphysiques' ("We did it again") : Soft Machine sait tout faire et ne fait que le meilleur. Cerise sur le gâteau, certains morceaux rares font partie du set : "Eamonn Andrews", hypnose énigmatique de Ratledge, est présenté en version intégrale, "We did it again" de Kevin Ayers (membre fondateur à l'époque psychédélique du groupe) explose son format pop, "12/8 theme" apparaît pour la première fois sur disque. Oeuvre de Hu Hopper, elle prouve à elle seule l'étendue des capacités techniques, musicales et humaines des cinq hommes, au service de leur musique. La touche 'repeat' est inévitable.