# Untitled second

The Telescopes

par Jérôme Florio le 05/01/2005

Note: 9.0    

En 1992, The Telescopes voyaient loin : trop loin pour les flemmards au département marketing du label Creation, qui ont refusé de sortir leur deuxième disque (Tristar s'en chargera en 1994 sous le titre "The Telescopes", mais trop tard) au motif qu'il ne cadrait pas avec les attentes de l'époque – My Bloody Valentine épuisait le genre noisy-pop en sortant leur classique "Loveless" et Oasis pointait ses grosses fesses... Alan McGee, le boss, a qualifié "#Untitled second" de "classique perdu pour les temps futurs" – une phrase qui sonne prophétique autant que faux-cul.

"Untitled second" nous revient grâce aux fouineurs anglais de chez Rev-Ola, et mérite de déranger un peu le classement de nos discothèques : c'est un chaînon manquant entre le psychédélisme baggy de Primal Scream ("Screamadelica", 1991) ou celui plus noir des Spacemen 3, et My Bloody Valentine. Comme un Hubble scrutant l'univers, il est souvent question d'espace ("Spaceships"), de planer le plus haut possible ("Flying", "High on fire") sur de calmes étendues spatiales ou maritimes ("Ocean drive") : le disque est harmonieux, pacifique et presque apaisant, malgré des guitares qui peuvent cramer du combustible. La voix de Joanna Doran y est pour beaucoup : elle se colle et double celle de Stephen Lawrie, proche d'un Peter Perrett (The Only Ones) en pleine descente - sur une pente douce. "Silencio !" serait-on tenté de dire à l'écoute de "Flying", qui trouve sa source et sa fin dans le vide, comme une comète qui viendrait brièvement visiter notre ciel avant de repartir au loin. Le silence s'invite plus d'une fois, en début de morceau ("The presence of your grace"), ou en plein milieu de "Yeah" (onomatopée du gars dans un bon trip), où le groove solide se fait aspirer comme de la lumière par un trou noir.

Il s'est apparemment passé de drôles de choses pendant l'enregistrement : les bulles d'un verre de limonade se font entendre sur "Spaceships", Lawrie s'est transformé en signal sonore, on fait danser la "Foxy lady" de Jimi Hendrix au son baba-cool du "More" de Pink Floyd ("Ocean drive" avec sa basse très Roger Waters). Retour à bon port en fin de parcours ("To the shore"), après un agréable voyage sans accroc dans les étoiles. Ah si, une petite bizarrerie spatiotemporelle à signaler : on a rajeuni de dix ans.