Volume 3 : A child's guide to good & evil

The West Coast Pop Art Experimental Band

par Francois Branchon le 14/08/2001

Note: 9.0    

En 1968, le West Coast Pop Art Experimental Band publie son quatrième album, le troisième et dernier pour Reprise, dans une indifférence quasi générale, l'impact des trois premiers n'ayant guère dépassé leur comté de Los Angeles (étranges et uniques sixties qui permirent à des groupes pointus et novateurs de se vendre par millions, tout en laissant quelques autres dans l'ombre sans raison). "A child's guide to good and evil" est sans doute l'oeuvre la plus ambitieuse et la plus éclatée du groupe. Les paroles des chansons sont au coeur du projet de Bob Markley, qui prétendra avoir voulu atteindre la même perfection de style que Donovan pour "Sunshine superman" ou Bob Dylan pour "John Wesley Harding" (!). Reconnaissons qu'elles sont fines, pleines de sens et de goût, économie des mots allant à l'essentiel, mélangeant malice et innocence, ironie ("Our drummer always plays in the nude") ou cynisme décapant, lorsque Markley sussure par exemple d'une voix douce "We should have called Suzie and Bobby/They like to watch fires!" à propos des parents d'un nourisson qui prend feu ("A child of a few hours is burning to death"). Cette ambiance multiple est parfaitement annoncée par la fabuleuse pochette, la 'femme papillon'. On la doit au talent du graphiste John Van Hamersveld, concepteur des pochettes de "Crown of creation" (Jefferson Airplane), "Exile on main street" (Rolling Stones), "Magical mystery tour" (Beatles) et d'affiches pour le Shrine Auditorium de L.A. (Cream, Hendrix , Velvet Underground...). Tirée d'une photo d'une jeune artiste dont le front se mue en papillon, en symbole psychologique de la lecture des pensées, l'oeuvre graphique est traitée en noir et blanc et donne une prodigieuse perspective d'infini, la tête comme pensant au papillon, "la liberté tirée du karma dans un puit d'obscurité" dira son créateur. Souvenir : la France fut le seul pays étranger où sortirent les disques de West Coast Pop Art Experimental Band. Au milieu des pages de publicité que prenait en 1968 la maison Vogue dans les journaux musicaux français, cette étrange pochette, une des plus belles du rock, cotoyait celles de Tim Buckley, David Peel, Eric Andersen, Lonnie Mack ou Love. Vogue n'avait peur de rien, maison où le service commercial ne dictait pas sa loi à celui qu'on appellait encore un directeur artistique. Et celui de Vogue, Jacques Wolfson, était quelqu'un, poussant la folie jusqu'à éditer 'aussi' les singles. C'était beau... La musique de "Volume 3...", comme ses textes, manie la dualité, l'ombre et la lumière. En ouverture, "Eighteen is over the hill", est une ballade 'peace and love' quand "In the country" qui la suit appuie sur des riffs à la Steppenwolf. Mais surtout, cette fois encore, c'est la guitare de Ron Morgan qui domine l'album, stridente, goûteuse ('Watch yourself"), lancinante ("A child of a few hours is burning to death") ou hypnotique larguée dans les limbes ("As the world rises and falls", "Ritual #2"). Et le guitariste aime utiliser les effets, un Magnatone destiné à l'accordéon, qui lui donne un son d'orgue, une cabine Leslie (celle qui fait 'tourner' le son des orgues Hammond) et tout un lot d'amplis et de guitares Vox (dont une douze cordes électrique). Pour la première fois aussi le Coral Electric, un sitar électrique au son inimitable est utilisé ("Ritual #1", "Until the poorest of people have money to spend", "A child's guide to good & evil", "Ritual #2"). Le groupe joue aussi avec les bandes magnétiques, en avant et en arrière, ralenties ou accélérées ("As kind as summer"), utilise des boucles (les trois notes de sitar de "Ritual #1") ou des overdubs de foule en délire ('Watch yourself"). Plus torturé que "Part one", moins limpide que "Volume two", "Volume 3" est quand même un sacré Ovni. (Curieusement, les deux titres bonus sont de l'époque de "Part one" : les deux faces du single "Shifting sands"/"1906").