Bardo Hotel soundtrack

Tuxedomoon

par Jérôme Florio le 22/05/2007

Note: 9.0    

Après plus de dix ans d'absence, le groupe avant-gardiste Tuxedomoon se reformait en 2004 pour un "Cabin in the sky" à l'inspiration intacte. Ils renouaient par la même occasion avec le label belge Crammed, refuge européen de ces exilés volontaires depuis le début des années 80. Pour la sortie de "Bardo Hotel soundtrack", Crammed réactive sa série "Made to measure", réservée à des projets atypiques et plurisdisciplinaires – par exemple "De doute et de grâce", qui associait en 1990 le saxophoniste et le violoniste de Tuxedomoon, Steven Brown et Blaine Reininger, à... Delphine Seyrig !

Au départ envisagé comme un album studio classique, "Bardo Hotel soundtrack" intègre au final un film du vidéaste grec George Kakanakis. "Bardo Hotel" tire son nom de l'endroit où William Burroughs et Bryon Gysin ont inventé en 1959 la technique de l'écriture "cut-up" : une référence qui définit à merveille le brillant exercice de collage auquel se livre le groupe. Enregistré à San Francisco, le disque peut s'écouter comme une déambulation urbaine quasi cinématographique, avec des collisions improbables à chaque croisement. Les musiciens intègrent des sons glanés ça et là à des instrumentaux fluides et lancinants : bruits de fond de la ville et chanteur d'opéra ("Prometheus bound"), musique de chambre sur rythmique rigide (la basse de Peter Principle sur "Triptych"), fanfare, chorale, musiciens de rue, messages téléphoniques... Un patchwork fascinant sur lequel Luc van Lieshout (trompette) et Steven Brown dialoguent librement dans l'esprit jazz – Miles Davis et Charlie Mingus ont été évoqués. Le violon de Blaine Reininger a parfois des intonations mélodramatiques de folklore d'Europe centrale.

Plus arty et dandys globe-trotters que jamais, Tuxedomoon n'a pas son pareil pour tisser des ambiances fascinantes, carnets d'impressions à la mélancolie moderne et un peu surannée.